Slow business : moins de travail pour plus d’efficacité

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Et s’il était temps de repenser le temps ? De reprendre son souffle et de ralentir la course à la vitesse qui s’est emparée du monde du travail ? La culture du slow, apparue en Italie dans les années 1980 pour protester contre la prolifération des fast-foods, a peu à peu gagné d’autres secteurs dont celui du travail. Comment se définit ce nouvel art de vivre, et quelles sont les manières de le mettre en œuvre, tant au niveau de l’employeur que du salarié ? 

Dangereuse frénésie

La tendance n’aura échappé à personne : au cours des dernières décennies, le monde de l’entreprise est devenu de plus en plus exigeant envers ses salariés, les pressant de réaliser leurs tâches dans des délais toujours plus courts. Une course à la montre s’est engagée pour se montrer toujours plus productif, accentuée par l’arrivée des nouveaux moyens de communication et de leurs incessantes sollicitations. Le monde du travail se serait-il mué en une allégorie moderne du dieu Chronos dévorant ses enfants ? 

Loin d’être anodine, cette accumulation de pression provoque chez le salarié perte de motivation et de rendement, stress et fatigue, le poussant même dans les cas le plus extrêmes vers le burnout et la dépression. En 2016, une mission parlementaire s’était penchée sur l’épuisement professionnel estimant que, chaque année, 490.000 personnes souffrent d’un ou de plusieurs symptômes, parfois sévères, directement liés à une surcharge de travail. Les salariés risquant de se trouver exposés à un tel « burnout » seraient quant à eux six fois plus nombreux. Et ces chiffres, malheureusement, enregistrent chaque année une progression constante. 

Une ode à la lenteur ?

Loin de constituer une apologie de la lenteur, le mouvement slow business repense dans son ensemble la gestion du temps de travail. Selon Pierre Moniz Barreto, auteur de l’ouvrage « Slow business : ralentir au travail et en finir avec le temps toxique » (publié aux éditions Eyrolles), il s’agit de « rééduquer les gens au temps, détoxifier le temps tant il est empoisonné jusqu’à la gorge. L’objectif est de retrouver un rapport plus sain au temps qu’il soit personnel ou professionnel ». En obéissant aux préceptes du slow business, le salarié reprend possession de son temps professionnel, dissociant les notions de « temps de présence » et de « résultat ». 

Telle est la base même du ROWE, pour Results Only Work Environment, un environnement de travail uniquement axé sur les résultats, éloigné de toute considération temporelle. En confiant à l’employé la gestion de son emploi du temps, cette stratégie l’aide à définir son rôle au sein de l’entreprise ainsi que ses responsabilités, tout en augmentant sa productivité pour un temps de présence moindre. S’il est encore peu pratiqué en France, le ROWE serait appliqué dans 10 à 15 % des entreprises situées outre-Atlantique. 

De nombreux exemples concrets

Loin d’être irréaliste, un juste équilibre entre performances et décélération peut s’appliquer de bien des manières, comme le prouvent les entreprises ou les institutions ayant décidé de le mettre en pratique. Les GAFAMS ont souvent contribué à populariser le concept de slow business en offrant à leur personnel de nombreux espaces de détente venant ponctuer le quotidien. Salles de sport, cuisines équipées, salons confortables agrémentés de consoles de jeu et même lits destinés aux siestes se sont ainsi multipliés dans les entreprises de la Silicon Valley, qui n’ont pourtant rien inventé. 

La première initiative du genre serait à porter au crédit d’Yvon Chouinard, fondateur et charismatique PDG de la marque Patagonia. Avec ses 799 millions de dollars de chiffre d’affaires annuel et son aura mondiale, la marque de vêtements spécialisés a instauré dès le début des années 1990 une grande liberté de temps de travail à l’égard de son personnel. Les résultats éminemment positifs ont contribué à faire du slow business une notion viable et profitable, prouvant qu’une entreprise pouvait demeurer productive tout en réduisant le temps consacré au travail.

Des débuts timides en France

En France, le slow business peine à s’imposer. L’Hexagone serait-il de fait un territoire déjà voué à la pratique avec ses 35 heures par semaine, ses RTT et ses cinq semaines de congés payés ? Rien n’est moins sûr au vu de la fréquence des arrêts maladie et des burnout éprouvés par les salariés. 

Si les PME ont été les premières à mettre en place quelques mesures allant dans le sens d’une réduction du temps de travail et d’un plus grand bien-être, de grands groupes ont fini par leur emboîter le pas. Danone, Deloitte ou encore la Société générale ont récemment procédé à un réaménagement de leurs locaux, prenant ainsi conscience que moins de stress induit une plus grande efficacité. 

Télétravail et slow business

Tout récemment, le confinement et les restrictions de déplacements dus à la pandémie de Covid-19 ont placé le télétravail sous le feu des projecteurs. Longtemps jugé trop compliqué à mettre en place et peu productif, le travail à domicile, pierre angulaire du slow business, a depuis fait des émules et tend à prouver qu’il est possible de produire autant, voire même plus qu’en étant au bureau. 

Le slow business serait-il la nouvelle formule miracle, offrant un rapport gagnant-gagnant tant pour l’employé que pour l’entreprise ? Si son application peut s’avérer très compliquée à mettre en œuvre selon les secteurs d’activité, force est de constater qu’il représente un indéniable progrès. Mettre fin à la course à la montre qui s’est emparée du monde du travail depuis les deux dernières décennies constituerait à coup sûr une avancée profitable à toutes et à tous.

Photos : eyrolles.com – viepratique.fr –

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