La mode islamique, entre polémiques et réalités de marché

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L’annonce de la commercialisation d’un hijab de running par Décathlon a relancé le débat autour de la « Modest Fashion ». Sous le poids des critiques, l’équipementier sportif a finalement renoncé à la vente de cet article controversé. Pourtant le marché de la mode « pudique » attire de plus en plus de marques mainstream et propose des collections de vêtements qui respectent le « dress code » islamique.

Un bel avenir en perspective

Les marques s’y sont lancées les unes après les autres, la tête haute. La Haute Couture donne le ton avec Dolce & Gabanna et sa collection Abaya. Chanel, Lanvin, Valentino, pour ne citer qu’eux, bousculent eux aussi les podiums avec leurs hijabs et autres niqabs colorés.

Chez les « casual chic », Uniqlo lance dès l’été 2015, une première collection de vêtements dits « pudiques » en Asie, puis aux États-Unis l’année suivante. H&M, Zara suivent et Marks & Spencer ajoute deux modèles de burkini à son catalogue. Le géant Nike commercialise quant à lui deux modèles de hijab destinés aux sportives de haut niveau, non sans faire de vagues.

Le marché de la « Modest Fashion » jouit des pronostics de croissance les plus fous. Selon le rapport Global Islamic Economy de Thomson Reuters, la communauté musulmane mondiale a dépensé 254 milliards de dollars en vêtements et chaussures en 2016. Ces dépenses devraient atteindre les 373 milliards de dollars en 2022. « Il faut y voir, avant tout, une industrie à l’affût de la moindre aubaine lucrative », affirme Sofia Salmani, spécialiste des tendances au sein de l’agence de prospective française NellyRodi.

Des controverses mais pas qu’en France 

Les discours féministes maintiennent que le voile n’est que l’instrument d’une domination masculine et religieuse. Ils trouvent écho chez de nombreuses personnalités publiques françaises comme Elisabeth Badinter ou le couturier Pierre Bergé, qui interrogent sur le devoir de responsabilité des marques. Aux Etats Unis, l’arrivée récente de Macy’s dans la mode islamique a également suscité une vive réaction chez le public. En Allemagne, c’est une exposition sur la mode islamique qui, avant même son inauguration, suscite la controverse.

Décathlon s’est défendu face à la tempête et, via Twitter, a d’abord assumé son choix. « Nous avons toujours tout fait pour rendre la pratique du sport plus accessible, partout dans le monde. Ce hijab était un besoin de certaines pratiquantes de course à pied, et nous répondons donc à ce besoin sportif », plaide la marque, qui assure ne renier aucune de ses valeurs et tient à son image de marque engagée. Les marques veulent apporter une réponse adéquate aux besoins de tous les consommateurs.

S’adapter à l’évolution des consommateurs

Chez NellyRody, on explique aussi l’engouement des marques de façon pragmatique. Elles ne voudraient pas voir leur réputation ternie par un manque de compréhension quant à l’évolution de la mode et des attentes des consommateurs. « La clientèle ciblée est majoritairement les « Millenials Musulmans », indique Sofia Slimani. « C’est une clientèle connectée, au fait de la mode, qui a un pouvoir d’achat grandissant et en quête de représentativité », explique-t-elle. La femme musulmane moderne a ainsi la possibilité de choisir son style vestimentaire, et donc de s’affirmer, tout en respectant le « dress code » islamique.

Nike avait mis en lumière les problèmes de performances sportives liées à l’usage du hijab traditionnel pendant les compétitions. « En proposant aux athlètes musulmanes les produits les plus avant-gardistes, Nike a pour but de servir les pionnières d’aujourd’hui et d’inspirer davantage de femmes à faire du sport, dans une région où les obstacles sont encore nombreux : moins d’une fille sur sept participe aux activités sportives recommandées sur une durée d’au moins 60 minutes », annonce Nike sur son site. Un acte politique de la marque ?

Emancipation ou simple droit d’avoir accès à une mode adaptée

Les cyniques voient dans le développement de ce nouveau marché, une simple aubaine financière pour les marques. Les féministes interrogent sur la responsabilité des marques à entretenir une image dévalorisante de la femme. D’autres soutiennent cette évolution du marché de la mode qui, selon eux, permet en réalité à la femme pudique de s’affirmer et de s’émanciper en ouvrant la voie à plus de diversité et d’inclusion. De plus cela leur permet enfin d’avoir accès à une mode adaptée à leurs goûts, envies et besoins ailleurs que dans les magasins spécialisés. Dans tous les cas, une chose est sûre : la mode islamique fait parler d’elle.

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