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Management : quand le mensonge devient une pratique ordinaire

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Faut-il croire son chef ? Apparemment non si l’on se réfère à une étude publiée par Qapa.fr. La plateforme de recherche d’emploi a récemment interrogé 200.000 managers et responsables en entreprises. Les résultats de l’enquête sont édifiants : 83 % des hommes et 75 % des femmes avouent avoir déjà eu à mentir à leurs subordonnés au lieu de leur rapporter de mauvaises nouvelles. La pratique a de quoi inquiéter les salariés, mais son origine est souvent complexe à définir et globalement difficile à assumer pour les managers.

Les raisons de mentir diffèrent selon qu’on soit un manager féminin ou masculin. Ainsi Qapa reporte que 51 % des femmes l’ont fait pour cacher des résultats décevant alors que les hommes sont plus enclins (63 %) à dissimuler des départs volontaires. Ensuite, les raisons de rupture de contrat avec un gros client ou de possible dépôt de bilan sont fréquemment évoquées. Pourtant les mensonges sont plutôt mal vécus par les managers ; ainsi 85 % des hommes et 69% des femmes affirment que c’est un acte pénible à assumer.

Se préserver et protéger l’entreprise

L’étude Qapa révèle que les managers qui sont amenés à mentir le font plutôt pour se prémunir des conflits. L’environnement économique et social d’une entreprise créé parfois des situations tendues face auxquelles le manager de terrain est en première ligne. Cette attitude est d’autant plus prégnante chez les femmes que chez les hommes. Par ailleurs, ces derniers cachent parfois la vérité dans la perspective d’une amélioration de la situation espérant ainsi conserver une atmosphère positive au sein de leurs équipes.

Si une grande partie des managers interrogés par Qapa (52 % des femmes et 79 % des hommes) s’accordent sur le fait que le mensonge ne soit pas une pratique normale, la totale transparence montre aussi ses limites. C’est le cas notamment sur des sujets liés à la stratégie de l’entreprise et pour lesquels la communication interne doit être maitrisée. À une époque où les informations circulent facilement, elles peuvent inopportunément sortir du cercle de l’entreprise. Aucun responsable ne souhaite qu’elles arrivent aux oreilles d’un concurrent par exemple.

Une pratique liée à l’organisation ?

Pour Luc Loquen, les mensonges que l’on peut rencontrer en entreprise sont de natures structurelles. Il évoque ainsi un phénomène général de distorsion de la réalité. Les entreprises fonctionnent avec des tableaux de bords et des indicateurs de performance. Les dirigeants prennent des décisions avec une vision parfois tronquée de la réalité du terrain, ce qui naturellement mène à des incompréhensions de la part de leurs équipes. Beaucoup a été fait pour améliorer la productivité mais peu sur le relationnel d’où l’acceptation du mensonge comme une règle tacite.

L’effet de groupe peut également pousser le manager à avoir un comportement non-éthique, celui-ci pouvant être influencé par des éléments extérieurs. C’est ce que tend à démontrer une étude de l’université Luis-et-Maximilien de Munich. Les résultats de l’expérience menée par des spécialistes en comportement sont sans équivoque : « les sujets sont moins à même de mentir s’ils décident par eux-mêmes ». Pour les chercheurs, l’entreprise doit définir des normes éthiques contraignantes et veiller à leur stricte application au sein de l’organisation quitte à adopter des sanctions.

Une perte de relation de confiance

Le mensonge, s’il offre une échappatoire face aux questions difficiles, peut s’avérer plus dévastateur sur le long terme, particulièrement lorsque la réalité rattrape le manager. Tout d’abord, il détruit toute relation de confiance entre le responsable et ses subordonnés et le leadership du premier est mis à mal alors que les seconds voient leur engagement professionnel profondément altéré. Ensuite, mentir peut avoir de graves conséquences sur la santé même du manager dès lors que cela va à l’encontre de ses valeurs : dissimuler la réalité peut être psychologiquement éprouvant.

Qu’il soit volontaire ou non, le mensonge de la part d’un manager démontre les faiblesses dans la chaîne relationnelle au sein d’organisations de plus en plus désincarnées. S’il est évident que certaines informations doivent être communiquées avec prudence, l’acceptation implicite du mensonge comme une norme risque d’entraîner un effet boule de neige. Un manager leurrant ses subordonnées peut avoir la même attitude envers des clients. Des projets stratégiques coûteux sont susceptibles de se monter sur des réalités altérées et mener l’entreprise droit dans le mur.

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