Lorsque les cryptomonnaies effraient les banques

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Une étape importante vient d’être franchie dans la relation tumultueuse qui s’est établie entre grandes banques et cryptomonnaies. Tour à tour indifférentes ou pessimistes quant à l’avenir de ces monnaies alternatives, les établissements financiers optent depuis ces derniers mois pour une attitude de plus en plus hostile face aux Bitcoins, Ethereums et autres Moneros.

Une interdiction aux effets limités

Depuis le 2 février, il est devenu impossible pour les usagers de Bank of America de procéder à l’achat de cryptomonnaies à partir de leur carte de crédit. Une interdiction immédiatement relayée par deux autres établissements américains majeurs, JPMorgan et Citygroup, ainsi que par le groupe britannique Lloyds Banking.Si l’interdiction ne touche que l’achat à crédit, et ne concerne donc pas les acquisitions effectués avec une carte de débit classique, cette nouvelle politique marque un tournant dans la relation qu’entretiennent les établissements financiers avec des cryptomonnaies souvent décriées.

En cause, la forte volatilité de ces devises qui expose les particuliers à des situations de surendettement. Quelques jours auparavant, Facebook et Google avaient pour leur part fortement limité l’affichage de publicités liées aux monnaies électroniques, promettant pour la plupart des revenus mirifiques ou utilisant, via une faille de sécurité, l’ordinateur de la cible pour effectuer des opérations de minage à son insu.

Sale temps pour le Bitcoin

Après une année 2017 marquée du sceau de l’euphorie, le Bitcoin, principale cryptomonnaie avec ses 200 milliards de dollars de capitalisation boursière, a lourdement chuté depuis le mois de janvier. Alors que la monnaie virtuelle se négociait, fin décembre, à près de 20.000$ par Bitcoin, le cours est tombé, le 5 février, sous la barre des 5500$. De quoi entacher un peu plus la réputation déjà sulfureuse de la cryptodevise, considérée avec méfiance tant par les établissements financiers que par les banques centrales.

La décision prise par les trois grandes banques américaines ainsi que par la Lloyds marque la fin d’une certaine indifférence à l’égard des cryptomonnaies, regardées jusque-là avec une certaine passivité. Cette nouvelle politique se justifie par la volonté affichée de protéger les clients des risques liés à la spéculation, mais aussi par le fait que, dans certains cas de surendettement ou d’insolvabilité, les banques pourront être tenues pour responsables et devront régler les dettes de leurs usagers. Si la Lloyds demeure pour le moment la seule banque européenne à interdire l’achat de cryptomonnaies sous certaines conditions, d’autres établissements pourraient être tentés d’appliquer des mesures identiques.

Vers un début d’encadrement ?

Entièrement décentralisées et ne dépendant d’aucune autorité régulatrice, les cryptomonnaies telles que le Bitcoin échappent pour le moment à tout encadrement. De quoi irriter les banques centrales ainsi que les gouvernements, qui entament une réflexion sur le sort à réserver à ces monnaies bien particulières. Après de nombreux atermoiements, la Corée du Sud a récemment décidé d’interdire l’anonymat des utilisateurs de plateformes d’échanges et de taxer les profits, ce qui a eu pour effet de faire plonger le cours du Bitcoin. Le pays du Matin calme, par où transitent 20 % des transactions mondiales de cryptomonnaies, a même un temps songé à interdire toute plateforme permettant l’achat ou la vente de Bitcoin.

En novembre 2017, le Maroc a interdit toute opération monétaire liée au Bitcoin, prévoyant amende et peine de prison pour les contrevenants. La Thaïlande interdit elle aussi l’usage de cryptomonnaies, tout comme Israël, tandis que l’Inde et la Chine tentent d’encadrer les transactions. Nombre de pays interdisant les cryptomonnaies mettent en cause l’absence de régulation et avouent craindre les opérations de blanchiment d’argent et de fraude facilitées par le relatif anonymat entourant les échanges.

Une régulation dans l’air du temps

En France, la Banque centrale, qui s’est contentée jusqu’à présent de publier un avis de grande vigilance au sujet des cryptomonnaies, va bientôt pouvoir s’appuyer sur les conseils d’un « Monsieur Bitcoin ». Ancien sous-gouverneur de la Banque de France, Jean-Pierre Landau, connu pour son pessimisme envers la monnaie virtuelle, qu’il avait qualifiée en 2014 de « tulipe du XXIe siècle », devrait remettre au gouvernement un rapport suggérant quelques pistes de régulation.

Une régulation souhaitée par de nombreux pays, le Royaume-Uni ayant soulevé la question lors du dernier forum économique mondial de Davos. La France et l’Allemagne devraient à leur tour profiter du prochain G20, qui se tiendra en mars à Buenos Aires, pour faire part de leurs préoccupations envers les cryptomonnaies.

Concrètement, seules les transactions visant à convertir des Bitcoins en monnaie courante pourront prétendre à une régulation effective. Le robinet des cryptomonnaies, décentralisées et fonctionnant grâce à un système de pair à pair, ne pourra certainement pas se couper aussi facilement.

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