Va-t-on creuser un nouveau tunnel dans les Alpes entre l’Italie et la France pour y faire passer une ligne de train à grande vitesse (LGV) ? « Réponse avant les élections européennes », temporise Giuseppe Conte, le Premier ministre italien. Il faut dire que ce sujet traîne depuis vingt-huit ans déjà !
L’idée de la construction d’une ligne ferroviaire Lyon-Turin divise toujours autant en Italie du Nord, mais prend aujourd’hui des tournures politiques puisque les deux partis de la coalition populiste au pouvoir, l’extrême droite de Matteo Salvini et le Mouvement 5 étoiles (M5S) anti-système de Luigi Di Maio s’affrontent sur la question et jouent une partie de leur avenir.
Relier Lisbonne à Kiev
Cette ligne de train de 271 km fait partie du projet de Corridor 5, qui a pour but de relier Lisbonne à Kiev par la voie ferroviaire. Elle permettrait de mettre Lyon à une heure quarante-cinq de Turin (contre quatre actuellement) et par ricochet, Paris à quatre heures de Milan (contre sept aujourd’hui). Les « pour » avancent l’argument de la réduction du trafic des camions à venir dans les Alpes puisque la ligne sera constituée d’une voie à grande vitesse pour les passagers et d’une autre voie pour le transport de marchandises.
L’extrême-droite de Salvini soutient le chantier car la base de son électorat se situe parmi les petits entrepreneurs de la région turinoise, très favorables à ce tunnel qui les désenclavera et redynamisera un Piémont qui prend des allures de friche industrielle.
Arguments écologiques
Pour leur part, les « contre » soulignent le désastre écologique que provoquera le tunnel de 57 km qui prévoit de traverser les Alpes et qui a déjà commencé à être creusé. A l’inverse du parti de Salvini, le M5S appuie les contestataires car c’était une de ses promesses de campagne. S’opposer à cette LGV lui a permis de gagner quelques sièges dans le Piémont et s’inscrit dans sa logique anti-système.
Le Mouvement 5 étoiles soutient l’idée que les retombées économiques de cette liaison ferroviaire ne seront captées que par les grandes entreprises et non par les habitants et que sa construction satisfait « la mafia du ciment » qui empoche de belles sommes grâce au chantier. Les contestataires aimeraient voir davantage d’investissements dans les écoles, les hôpitaux ou les routes secondaires délaissées plutôt que dans cette construction pharaonique.
Des manifestations d’envergure pour et contre se sont succédées à Turin à la fin de l’année 2018 : environ 40.000 se sont réunis « pour la LGV » en novembre et environ 70.000 « contre la LGV » au début décembre.
Une bataille politique avant les européennes
L’abandon du projet évalué à plus de 25 milliards d’euros (dont 8,6 milliards seulement pour percer le tunnel) pourrait coûter très cher à l’Italie déjà engagée contractuellement. La France exigerait une compensation de deux milliards d’euros et l’UE, prête à augmenter sa part de financement de 40 à 50 %, perdrait les sommes déjà versées.
Les deux partis de la coalition sont aujourd’hui face à une impasse et ils savent autant l’un que l’autre que la décision de poursuivre ou non le projet de cette LGV aura un impact immédiat sur les résultats des élections européennes. Une perspective qui pourrait pousser le gouvernement à encore repousser son verdict.
Le chantier ayant démarré, il y a toutefois urgence à régler une situation qui paraît déjà bien embourbée et dont l’issue, peu importe laquelle, mécontentera forcément un très grand nombre. Et montrera lequel des deux parties au pouvoir aura remporté la bataille.
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