Cuba, nouvelle destination favorite des entreprises françaises

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A la suite d’un accord de restructuration de dette signé par François Hollande et le gouvernement cubain en 2015, les entreprises françaises investissent à Cuba, un pays qui a de grands besoins d’investissements pour amorcer sa modernisation.

« C’est maintenant qu’il faut investir à Cuba, dans dix ans, ce sera trop tard. » Les entrepreneurs français qui ont tenté le pari cubain ces dernières années sont unanimes : Cuba est aujourd’hui une destination qu’il faut surveiller de près car avec l’ouverture progressive de ses frontières et de son économie, l’île communiste est en train d’opérer une transformation de son pays. Une mutation motivée par les besoins en capitaux étrangers : pour relancer son économie, Cuba a besoin d’environ cinq milliards de dollars annuels. Les entreprises françaises se sont d’ailleurs déjà engouffrées dans la brèche et l’on parle facilement aujourd’hui d’un nouvel eldorado pour les entrepreneurs hexagonaux.

Il faut remonter jusque dans les années 1990 pour comprendre les interactions entre Cuba et les entreprises venues de France. Il y a une vingtaine d’années, certains professionnels ont tissé des liens économiques avec le gouvernement cubain dans les secteurs jugés prioritaires par la famille Castro comme le tourisme, la santé, les transports, l’énergie ou l’agriculture. 

Le second rapprochement est plus récent : en décembre 2015, François Hollande, alors président de la République française, négocie la dette cubaine envers certains pays occidentaux et parvient à convaincre d’autres pays comme la Russie ou le Japon de la restructurer. La France annule les intérêts de retard (évalués à 3,7 milliards d’euros), apure les intérêts originels (530 millions d’euros) et convertit près de la moitié des créances (environ 212 millions d’euros) dues par Cuba à la France en un fonds chargé de financer des projets à Cuba. Une manière de faire participer les entreprises françaises au développement d’un pays qui s’ouvre de plus en plus vers l’extérieur.

Création d’une zone franche

Symbole de cette ouverture, la création de la ZDEM (zone spéciale de développement de Mariel), une zone franche qui exonère les entreprises de taxes à l’import comme à l’export et qui favorise un régime fiscal très avantageux : pendant les dix premières années, les entreprises sont exemptées de l’impôt sur les sociétés, puis, une fois passé ce délai, le taux de prélèvement sera seulement de 12 %. Cette ZDEM attire très vite des investisseurs étrangers parmi lesquels de nombreux Français. Cuba a des besoins prioritaires en énergie et en construction d’infrastructures mais a également un grand besoin de tourisme pour se développer. Le gouvernement cible aussi les domaines des sciences, de la technologie, de l’innovation, de l’environnement, de la santé ou de l’agroalimentaire.

Dans ce contexte, Bouygues Construction ou l’armateur CMA CGM se sont vite positionnés afin de profiter des avantages proposés par la ZDEM. La SNCF, de son côté, a négocié en 2018 un contrat à plus de 30 millions d’euros pour aider au renouvellement et à l’entretien du parc ferroviaire cubain en décrépitude et en proie à une vétusté inquiétante. Par ailleurs, les Cubains voient débarquer des marques de luxe comme Guerlain, qui adapte ses prix au marché local, fermé par la contrainte d’un salaire moyen mensuel inférieur à 30 dollars. 

Des démarches administratives lourdes

L’arrivée à Cuba n’est toutefois pas si aisée en dépit des facilités économiques offertes par le gouvernement local. La concurrence bat déjà son plein car l’ensemble des pays occidentaux lorgne ce marché à fort potentiel. Par ailleurs, la lourdeur administrative peut constituer une barrière très handicapante pour certains entrepreneurs. Les renouvellements de permis, d’autorisations ou de visas doivent être effectués chaque année et comportent leur lot de difficultés : de longues périodes d’attente, une multitude d’informations à fournir, de nombreux feuillets à faire traduire auprès d’un traducteur agréé et à envoyer au consulat cubain à Paris… Les démarches sont longues, peu pratiques et coûteuses.

Mais le jeu semble en valoir la chandelle et les groupes français sont prêts à sacrifier un peu de leur patience en échange d’un juteux contrat à Cuba. Pour certaines entreprises, les marges réalisées sont bien plus intéressantes qu’en France. Pour accompagner cette coopération, l’Agence française de développement (AFD) a installé depuis trois ans un bureau à La Havane. L’antenne cubaine est chargée de piloter la feuille de route économique commune mise en place par les gouvernements français et cubains au moment de la restructuration de la dette. La présence de l’AFD à La Havane est précieuse pour les entrepreneurs français souhaitant s’implanter mais elle ne masque pas les menaces américaines qui pèsent sur les investissements étrangers arrivant sur l’île.

La menace Washington

Début 2019, Donald Trump, le président des Etats-Unis, a menacé de réactiver une vieille loi mise en sommeil depuis des décennies : le chapitre III de la loi Helms-Burton qui prévoit que tout Cubain exilé peut poursuivre une entreprise étrangère réalisant des profits à Cuba grâce à des sociétés nationalisées. Ce chapitre avait été mis en sommeil pour ne pas froisser les relations entre les Etats-Unis et ses alliés mais le président américain n’est pas du genre à faire cas des vieilles alliances. 

La menace Washington pèse depuis et pourrait freiner certains groupes français qui auraient peur de se retrouver englués dans des batailles judiciaires interminables. Le gouvernement cubain, effrayé par cette sortie de Donald Trump, propose d’appliquer certains points de la loi Helms-Burton mais se refuse à « vendre » tous ses partenaires historiques tout en accusant les Etats-Unis d’ingérence et en lui reprochant le manque à gagner causé par des décennies d’embargo. En attendant que se dénoue cet épisode géopolitique, les entrepreneurs français les plus téméraires foncent avec enthousiasme en direction de Cuba qui est désormais devenu bien plus qu’une curiosité touristique.

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