Un brouillard épais qui recouvre les villes et empêche de voir à plus de 50 mètres. Une odeur âcre, irritante, qui provoque quintes de toux et crises d’asthme. Des passants portant des masques pour tenter de se protéger. Depuis l’industrialisation à marche forcée entamée dans les années 1980, les épisodes de smog, ce nuage toxique chargé de particules, se sont multipliés en Chine. A tel point qu’il hante certaines villes plus de 300 jours par an. Le gouvernement chinois tente de trouver des parades à une situation devenue critique.
Guerre à la pollution
En 2014, le Premier ministre Li Keqiang avait énoncé une série de mesures destinées à lutter contre le fléau de la pollution. « Nous allons déclarer la guerre à notre propre modèle de développement et notre mode de vie non durable et inefficace », avait déclaré le chef du gouvernement, dévoilant un changement d’attitude significatif. Aborder le thème de la pollution en Chine a longtemps été considéré comme une manœuvre anti-progressiste ou antigouvernementale, et le problème était minoré par les autorités. Il était par exemple impensable, dans les années 2000, de consulter le taux de particules fines présentes dans l’air. Mais depuis, la pollution atmosphérique est devenue un enjeu majeur, impactant tant la santé que la paix sociale.
4000 Chinois décèdent chaque jour des suites d’une exposition à la pollution de l’air, qui est aussi responsable d’un raccourcissement de la durée de vie de trois ans. En 2013, le cas d’une fillette de huit ans, diagnostiquée d’un cancer des poumons causé par les particules fines, avait ému tout le pays. Les conditions de vie extrêmement difficiles des habitants, obligés de subir cette pollution, fait craindre au gouvernement des mouvements sociaux de grande ampleur, comme l’ont prouvé la multiplication des manifestations et des blogs rassemblant les mécontents. Il était donc urgent pour la Chine de réagir face à ce problème capital.
Réduire la dépendance au charbon
Signataire de la COP21, la Chine entend réduire significativement ses émissions de polluants. L’effort, amorcé au tournant de 2010, commence à porter ses fruits. Entre 2014 et 2015, le taux de particules en suspension a baissé de plus de 10 %, et a reculé de 8 % en 2016. Certes, le Premier ministre a été aidé par le ralentissement de la croissance économique du pays qui a entraîné une baisse de la consommation électrique, les centrales thermiques au charbon étant la première cause de pollution de l’air. Mais les mesures édictées en faveur de l’environnement ont joué un rôle majeur dans la lutte contre la pollution.
En seulement quatre années, la part d’électricité issue du charbon est passée de 80 % à 65 %, alors que les centrales thermiques se modernisent et que 15.000 mines ont été fermées. Les énergies solaire, éolienne ou hydroélectrique sont désormais privilégiées et représentent 20 % de la production électrique. Des normes plus strictes ont été imposées aux industries. Les jours de pics, la mise en place d’une circulation alternée, le ralentissement de la production des usines, voire leur fermeture contribuent à diminuer la durée des épisodes de pollution.
Pour un hiver moins pollué
A l’approche de l’hiver, de nouvelles mesures viennent d’être adoptées. C’est en effet en période hivernale que les pics de pollution se multiplient, causés par une utilisation massive du chauffage. Du 15 novembre 2017 au 15 mars 2018, les travaux de construction seront suspendus, limitant ainsi les rejets de poussière. L’arrêt des usines, autrefois effectif lorsque l’alerte atteignait le niveau orange, s’effectuera dorénavant dès le niveau jaune (sur une échelle à quatre niveaux : bleu, jaune, orange et rouge). Des contrôles rigoureux auront lieu afin de faire respecter les restrictions, une police de l’environnement ayant été créée à ce titre.
Lors du grand pic de pollution qui a touché Pékin en décembre 2016, les autorités estiment que 500 usines et 10.000 véhicules ont bravé les interdits. Autre décision à la fois forte et symbolique : le parc des 67.000 taxis pékinois sera peu à peu remplacé par des véhicules électriques.
Une « ville-forêt » inédite
Des solutions plus originales commencent à être élaborées, comme en témoigne la construction de la « ville-forêt » de Liuzhou, au sud du pays. L’appel d’offre pour cette ville verte a été remporté par un cabinet d’architecture italien, qui a imaginé une cité inédite. Les bâtiments, qui abriteront 30.000 personnes, seront entièrement recouverts de surface végétale destinée à purifier l’atmosphère. Les 40.000 arbres et le million de plantes, en plus de contribuer à la biodiversité, serviront d’isolant sonore et permettront de faire baisser la température d’un ou deux degrés. Les seuls véhicules autorisés dans la ville seront bien entendu électriques, puisant leur énergie dans les panneaux photovoltaïques surplombant les toits. Les 175 hectares destinés à accueillir « Forest City » sont d’ores et déjà en cours d’aménagement, et la ville devrait être inaugurée en 2020. Si l’expérience s’avère concluante, elle pourrait servir de modèle à des cités d’un genre nouveau, autosuffisantes et faisant barrage à la pollution.
Premier pollueur mondial, la Chine est en train d’accomplir une démarche inédite pour diminuer ses émissions de particules. Un exercice délicat qui interfère avec ses paramètres de croissance et qui devra être mené avec une volonté sans faille.
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