L’entreprise Workday, spécialisée dans les logiciels de ressources humaines destinés aux grandes entreprises, annonce le lancement d’un programme se basant sur les statistiques afin de conseiller les managers dans leur prise de décision par rapport à leurs employés.
Vous ne connaissez pas l’entreprise Workday ? Il s’agit d’une société née il y a neuf ans aux Etats-Unis. Workday crée des logiciels destinés aux grandes entreprises : outils de gestion des ressources humaines, d’évaluation du rendement des ventes des employés, d’organisation managériale… Autant de domaines habituellement peu mis sur le devant de la scène. Mais tout change un jour, et Workday a récemment attiré l’attention sur elle. Car si vous ne connaissez pas Workday, Workday vous connait. Ou estime assez vous connaitre en tout cas, pour déterminer le jour où vous démissionnerez de votre poste.
Les statistiques appliquées aux ressources humaines
S’agit-il de divination, ou bien d’un outil de surveillance personnelle capable de lire vos sentiments profonds, comme dans un scénario de science fiction ? Non, évidemment. Quoique… Le prochain logiciel de la firme, dont la sortie est prévue pour 2016, utilise un modèle de fonctionnement on ne peut plus rationnel et mathématique : l’application prendra en compte quelques critères liés à votre personne et à votre travail, tels que l’âge, le niveau d’études, le niveau de rémunération, la date d’arrivée à votre poste, la situation familiale entre autres, et les comparera aux données en sa possession sur de nombreux autres employés occupant un poste similaire au votre. Elle en tirera un comportement type et émettra une projection de votre positionnement probable, celui que vous prendriez si vous obéissiez strictement aux lois statistiques.
Aussi humiliant que cela puisse être, quiconque a évolué un temps dans l’univers des études marketing, de la sociologie ou encore de tout domaine d’analyse lié aux données statistiques appliquées aux humains, sait que le comportement de la plupart d’entre nous tend à se rapprocher d’une norme, d’un modèle dépendant de prédispositions socioculturelles et personnelles complexes mais relativement uniforme. Le libre-arbitre existe naturellement, mais les statistiques nous le dépeignent sous un jour largement plus limité et timide que notre ego ne se plait à l’imaginer. Prenant en compte cette tendance humaine (disons même animale) à réagir de façon similaire dans des situations comparables, Workday a donc décidé de franchir un pas supplémentaire dans le traitement de données managériales, en produisant non plus seulement un logiciel agrégeant les informations liés aux employés, mais en créant un algorithme traitant ces données et proposant des recommandations quant à la façon de gérer la carrière de tel ou tel individu par son entreprise. Monsieur X a 48 ans, il touche Y milliers d’euros après avoir passé Z années au même poste, il y a donc une probabilité de x% qu’il démissionne dans les 3 mois à venir s’il n’est pas augmenté. Bien heureusement, la firme se défend de toute infaillibilité de son système et présente celui-ci comme un simple outil d’aide à la décision, une information supplémentaire à la disposition du manager, à utiliser avec discernement et en complément de données plus subjectives et opportunes comme la performance de l’employé ou l’analyse de son supérieur direct. Tout va donc pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Les statistiques appliquées aux humains
Tout ? Pas si sûr. Ce logiciel produit par Workday est le premier dans son genre. Son modèle d’analyse est encore archaïque. Tout logiciel de ce type est voué à parfaire la pertinence de ses résultats, et les progrès réalisés chaque jour dans le développement d’intelligences artificielles convaincantes et subtiles pourraient donner à ce type d’outil une importance de plus en plus envahissante.
Mais où est le problème, peut-on se demander, si l’information et la recommandation délivrées ont une probabilité de justesse plus élevée que l’opinion d’un supérieur hiérarchique humain ? Et oui, imaginez un monde ou l’ordinateur prédira votre réaction face à telle ou telle décision managériale… Peu enthousiasmant n’est-ce pas ? Si l’employé disposait lui aussi d’un logiciel en mesure de lui prédire de façon fiable la réponse de son encadrement face à telle ou telle action ou demande de sa part, le rapport de force serait équilibré, mais cela n’est pas prêt d’arriver. On assisterait alors à une situation ou la marge de négociation entre les deux parties deviendrait extrêmement réduite et injuste pour l’une d’entre elles.
Un tel niveau d’analyses de données personnelles à grande échelle laisse entrevoir d’autres angles d’utilisation d’un tel système : de par sa nature purement statistique, l’exception, l’originalité, la singularité d’un comportement est réduite à une probabilité d’occurrence inférieure. Mais si nous avons observé plus haut que le libre-arbitre était plus limité qu’il n’en avait l’air, il faut cependant réaffirmer son existence ! Et c’est justement dans ces zones d’exception qu’il s’exprime, l’histoire personnelle de chacun d’entre nous va déterminer un ensemble de situations et de cas dans lesquels notre réaction sera différente de celle de la norme, et c’est typiquement ces quelques cas qui revêtiront une importance primordiale et parfois « irrationnelle » dans l’esprit de l’employé.
Workday prédit quels seront les employés les plus productifs
Il faut espérer qu’aucun logiciel n’arrive jamais à comprendre ces irrationalités et à les exploiter, car nous deviendrions alors malléables à l’envi. Mais les managers utilisant un programme ultra-performant (car il le deviendra) de prédiction comportementale souhaiteront-ils s’embarrasser de quelques cas particuliers dans le traitement des milliers de dossiers d’une grande entreprise ? Workday espère par exemple prédire grâce à son logiciel quels seront les employés les plus productifs à l’avenir. Souhaitez-vous faire confiance à un boulier, aussi perfectionné soit-il, pour déterminer si vous êtes un employé prometteur ou non ?
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