Smart grid. Derrière cet anglicisme se cache l’un des enjeux majeurs de ces prochaines années. Ou lorsque la transition énergétique, les besoins sans cesse croissants en énergie et l’essor des nouvelles technologies se conjuguent afin de permettre une gestion intelligente (smart) du réseau électrique (grid).
La nécessité d’une nouvelle gestion
Jusqu’à présent, la distribution d’électricité est principalement gérée de manière prévisionnelle, en tenant compte de besoins variables selon la saison et les horaires. Enedis[i], le distributeur historique français, se base ainsi sur ce type de modèle pour adapter sa production, qui sera par exemple plus élevée en fin de journée par période de grand froid. Un tel système devient cependant de moins en moins fiable. Tout d’abord parce qu’il ne s’agit que de prévisions, donc soumises à une certaine marge d’erreur. La diversité des sources de production électrique complexifie aussi la gestion des flux.
Depuis de nombreuses années, encouragées par des protocoles mondiaux, européens ou nationaux tel que le Grenelle de l’environnement, les nouvelles sources d’énergie se sont multipliées. Eoliennes, solaires, issues de la biomasse, ces productions décentralisées et aux rendements irréguliers posent de nouvelles contraintes, obligeant à revoir un modèle devenu désuet.
Smart grid : remède miracle ?
C’est ici qu’intervient le Smart grid, capable, grâce aux technologies de l’information, de mettre en communication tous les acteurs de la production électrique, des fournisseurs aux consommateurs. La mise au point, puis le déploiement de capteurs, piliers du Smart grid, donnent la possibilité d’ajuster les flux en temps réel, permettant aux opérateurs du réseau d’adapter leur production et son acheminement. Les énergies renouvelables, tel que l’éolien ou le solaire, dont la production dépend de conditions aléatoires, seront ainsi mieux gérées.
Enfin, chez le particulier, la présence d’un compteur intelligent fournit des informations sur les habitudes de consommation du foyer, rendant possible un calcul plus juste de la production à fournir. Le Smart grid constitue une révolution dans le domaine de l’énergie : il équilibre l’offre et la demande, réduit les pics de consommation, et donc les pannes, et limite l’impact environnemental de la production électrique. Des avantages qui font du Smart grid un marché en pleine croissance.
La France, un pays à la pointe
Sur le territoire, 118 projets liés au Smart grid sont en cours de déploiement pour un budget de plus de 500 millions d’euros, faisant de la France le premier pays européen en termes d’investissements. Ces initiatives complexes mettent en relation une multitude d’opérateurs : producteurs d’électricité, réseaux télécoms, entreprises du secteur IT et équipementiers se penchent sur des solutions parfois très avancées. L’Etat a récemment investi 50 millions d’euros dans les projets Flexgrid en région PACA, You & Grid dans les Hauts-de-France et Smile, qui se déploie en Bretagne et en Pays-de-la-Loire. Ces trois initiatives vont fédérer de grands groupes industriels, tels Alstom ou EDF, des start-up et PME spécialistes de l’énergie ou des nouvelles technologies, des centres universitaires et des collectivités locales.
Ces projets sont scrutés avec la plus grande attention, car leurs enjeux sont considérables : la France pourra ainsi exporter son savoir-faire et ses solutions, créer des milliers d’emplois, réaliser de substantielles économies d’énergie, avancer d’un pas supplémentaire vers la « ville intelligente » et moderniser ses canaux de distribution.
Plusieurs obstacles à surmonter
La mise en place d’un Smart grid national représente cependant un défi de taille. Les acteurs devront en effet mettre en place des normes de standardisation nationales et internationales pour créer un écosystème durable et efficace. Le déploiement des compteurs intelligents Linky, pièces maitresses du Smart grid français, pose aussi la question des données collectées, qui devront être traitées avec la plus grande confidentialité, comme l’a demandé la CNIL.
Enfin, la France devra s’imposer sur un secteur ultra-concurrentiel. Les Etats-Unis, par exemple, ont débloqué un budget de 3,4 milliards de dollars pour encourager la mise en place d’un réseau électrique intelligent. Des pays comme le Japon ou l’Allemagne sont très en avance sur cette technologie. La création récente, dans les universités de l’Hexagone[ii], de modules spécialisés permet de garantir la formation des étudiants et d’insuffler la dynamique nécessaire à l’essor du Smart grid. A l’heure où la question de l’énergie devient cruciale, un tel volontarisme ne peut qu’être salué.
[i] Anciennement ERDF.
[ii] Des modules « Réseaux Électriques Intelligents » ont été intégrés dans plusieurs cursus universitaires.
