Cleantech : un outils de lutte contre le réchauffement climatique sous-financé

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En 2007, John Doerr, investisseur chez Kleiner Perkins, annonçait que les cleantech deviendraient plus importantes qu’Internet et potentiellement la plus grosse opportunité d’affaires du 21e siècle. Toutefois, cette prévision tarde à se vérifier et les technologies vertes peinent à attirer des capitaux nécessaires. Les Etats, généralement frileux pour débloquer de budgets, s’appuient largement sur les entreprises et les fonds d’investissements. Ce financement privé rencontre des écueils de taille. Attentes écologiques et intérêts économiques ne vont pas toujours dans le même sens.

Selon le baromètre Ernst & Young et GreenUnivers, le capital-investissement français dans le secteur des cleantech s’est élevé à 141 millions d’euros sur le premier semestre 2017, ce qui est annonciateur d’une chute des financements pour l’année complète par rapport à 2016 (629 millions d’euros). L’efficacité énergétique a capté 55 % des capitaux, devant le transport et la mobilité (11 %) et les énergies renouvelables (9,5 %). Outre-Atlantique, l’investissement dans les technologies vertes des capital-risqueurs américains a diminué de 30 % entre 2011 et 2016 (5,24 milliard de dollars contre 7,5 milliards).

Un modèle économique adapté aux cleantech

Un groupe de chercheur du MIT explique ce désintérêt par un modèle économique inadapté aux cleantech. Tout d’abord, le développement des technologies vertes nécessite plus de temps que les délais de trois à cinq ans couramment attendus par les capital-risqueurs. De plus, elles nécessitent des infrastructures de grande échelle, une R&D lourde et de gros investissements. Par ailleurs, les énergies vertes manquent d’incubateurs ou d’acteurs de tailles importantes pour faire grandir ou racheter les start-up du secteur. Enfin, elles opèrent généralement sur des marchés très compétitifs où les marges restent très faibles.

Les industries sont plutôt réticentes à se lancer dans les technologies vertes de crainte qu’elles cannibalisent leur activité historique. Les cleantech ont contribué à baisser le coût de l’énergie de 50 % en Allemagne entre 2008 et 2014, ce qui a eu pour effet de diminuer le revenu des centrales conventionnelles. La voiture électrique, un autre exemple, doit en partie l’intérêt récent des constructeurs automobiles par la montée en puissance de Tesla. Toutefois cet équilibre est précaire au regard des difficultés que rencontrent le groupe d’Elon Musk et la méfiance accrue de la part des investisseurs.

La montée en puissance des financeurs chinois

Les situations sont assez disparates et la Chine se pose aujourd’hui comme le champion dans le financement des cleantech, poussé par une réelle volonté politique. L’empire du Milieu est confronté à des enjeux écologiques majeurs et Pékin est devenu plus actif que jamais sur les questions environnementales afin de maintenir la stabilité sociale dans le pays. La Chine a ainsi consenti d’importants investissements dans les énergies vertes. Selon un rapport de l’Institute for Energy Economics and Financial Analysis (IEEFA), les projets chinois totalisaient 44 milliards de dollars en 2017.

L’équation pour les pays en développement est plus complexe. Lors de la semaine de la croissance verte organisée à Kigali au Rwanda en décembre dernier, les experts en environnement invitaient à soutenir les projets rentables. Une telle approche exclut nombre de projets de cleantech nécessaires pour les populations. On estime à un milliard le nombre de personnes vivant sans électricité à travers le monde. L’énergie solaire reste la solution la plus prometteuse pour électrifier les régions isolées, mais seulement 200 millions de dollars ont été octroyés pour les projets hors réseau en 2014.

Un manque d’impulsion politique

Le One Planet Summit qui s’est tenu à Paris en décembre dernier a laissé une impression en demi-teinte. Si elle juge le pacte finance-climat intéressant en termes d’outils pour mobiliser de nouvelles ressources financières, l’ONG Oxfam estime qu’il est insuffisant pour lutter contre le réchauffement climatique. L’organisation déplore notamment le manque d’impulsion politique de la part des pays du Nord, notamment sur le redéploiement des ressources financières vers des technologies vertes alors que certaines institutions publiques investissent encore massivement dans des projets d’énergie fossile pourtant incompatibles avec l’accord de Paris.

Le financement des cleantech est loin d’être inextricable. Tout d’abord, le phénomène de cannibalisation tend à diminuer et des opérateurs comme Engie ou Eon ont accru leur portefeuille de technologies vertes. De plus, les industriels ont mis temps à s’adapter mais leur organisation est désormais plus à même de faire face aux challenges environnementaux. Enfin la digitalisation permet de réduire les coûts de R&D et donc d’accroître la rentabilité des investissements. Toutefois, ces améliorations n’épargneront pas un véritable engagement politique des pays du nord envers ceux du sud.

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