Quel rapport entretiennent les Français avec l’innovation ? Quel regard portent-ils sur la domotique, les objets connectés, la recherche médicale, les nouveaux outils de communication ou les énergies de demain ? Dans quel monde vivrons-nous dans 15 ans ? Faut-il avoir peur de l’innovation ? Ce sont toutes ces questions qui sont à la base d’une étude initiée par la Commission européenne dans le cadre des Eurobaromètres. Une enquête dont les conclusions permettent de mieux comprendre la France d’aujourd’hui face à celle de demain.
“Nous en sommes en 2030. C’est mardi matin et vous êtes gentiment réveillé par la voix de Pra, votre robot, qui est aussi votre assistant personnel…” C’est avec cette phrase que commence l’un des entretiens commandités par la Commission européenne, dans le cadre d’une grande enquête, réalisée à l’échelle européenne et publiée en juin 2015. Des scénarios qui ont permis de créer des discussions et d’engager la conversation sur des sujets pointus, comme la science et la technologie. L’objectif de cette étude qualitative : analyser les comportements, les sentiments, les impressions de groupes sociaux face à ce que pourrait être la France de demain. Cela afin de comprendre comment l’innovation va faire évoluer notre vie quotidienne et ce que les modifications à plus ou moins long terme que la science nous apportera.
Deux mois, quatre thèmes, des centaines d’interviews
Depuis plus de 40 ans, la Commission européenne réalise un suivi de l’opinion publique en interrogeant des groupes, en organisant des entretiens individuels, en analysant les réactions et les réponses grâce, entre autres, à des scénarios futuristes. C’est ainsi que pendant deux mois, une équipe a rencontré, interrogé et écouté un panel de Français, répartis en 6 groupes différents en fonction de leur âge et de leur niveau d’études.
Ces derniers ont discuté et donné leur avis sur des innovations existantes ou sur des projections de l’avenir en matière de science et de technologie. Ces innovations ont été abordées à travers quatre thèmes : la maison et la domotique, la recherche médicale et l’innovation dans le cadre de la science, les outils de communication et l’interconnectivité, et enfin la question de l’environnement avec notamment les nouvelles énergies.
La révolution digitale
Alors qu’Internet a conquis en 20 ans plus de 8 foyers sur 10 en France et que le pays comptait, en 2015, près de 50 millions d’internautes, que pensent les Français de ces nouveaux moyens de communication et qu’imaginent-ils pour l’avenir ? La majorité des sondés s’accorde tout d’abord à dire qu’Internet et la révolution mobile sont les deux facteurs qui ont le plus transformé la société française, que ce soit dans la vie quotidienne ou dans le cadre professionnel. De la même manière, les personnes interrogées sont persuadées que les 15 prochaines années seront marquées par le développement de nouvelles technologies. Et les points positifs sont nombreux : la vie est simplifiée, l’interaction avec les amis et la famille est facilitée, le savoir est plus accessible, tout comme le divertissement et l’information. Mais les Français déplorent l’impact négatif des nouvelles technologies, notamment en termes de stress et de pression, et s’interrogent sur la qualité de ces nouveaux rapports humains. Enfin de nombreuses personnes se montrent soucieuses des risques relatifs à la protection des données personnelles.
Les deux faces d’une même pièce
Cette ambivalence est au centre de toutes les réponses des personnes interrogées. Bénéfices et préjudices coexistent comme les deux faces d’une même pièce. L’innovation est à la fois vue comme une aide précieuse et un outil d’indépendance mais dans le même temps on y déplore une dépendance aux machines. Tout comme l’interconnectivité, qui offre le moyen de plus communiquer avec ses proches mais qui peut s’accompagner d’un plus grand isolement. Ou encore, la technologie qui permet d’un côté l’invention et le développement de nouveaux métiers mais également la disparition de certains autres emplois.
La science offre aussi son lot d’espoirs et de peurs : on se réjouit du progrès médical et dans le même temps on s’interroge sur les risques d’abus sur le plan éthique. Mais par-dessus tout, les Français démontrent un certain fatalisme et se sentent plus largement comme des spectateurs, à la fois fascinés et effrayés, de cet inévitable progrès.
Et dans le futur?
Dans quel monde vivrons-nous dans 15 ans ? Spontanément, les Français interrogés espèrent que le progrès touchera surtout le domaine de la santé et offrira ainsi de vrais bénéfices à l’humanité, comme la possibilité de soigner des maladies incurables. Ils mettent également l’accent sur les avancées technologiques en termes de domotique pour les personnes malades ou dépendantes. Cependant la réflexion sur les risques de ces progrès n’est jamais loin. Les Français se montrent en effet très prudents sur l’avenir de la société. Alors quand il s’agit de réfléchir à l’innovation au service de la planète, immédiatement la majorité y perçoit une menace plus qu’une possible solution capable de protéger l’environnement. Et lorsque le panel est interrogé sur des scénarios pour l’avenir, la même prudence se fait entendre.
Que penser d’un monde où l’on est assisté par des robots ? Comment réagir face au développement des satellites, caméras et autres objets connectés ? Comment appréhender une société où son supermarché en ligne analyse ses achats et commande un test médical si l’on achète trop de sucreries ? Peut-on imaginer des villes entièrement autonomes énergétiquement ? Face à tous ces scénarios, la majorité des participants a plutôt critiqué ces projections ou s’est dit sceptique. L’heure est donc à la prudence. Pourtant dans un monde où tout circule très vite, il sera sans doute difficile de ralentir cette course pour prendre du recul.
