L’émergence de supermarchés sans client destinés aux préparateurs de commande semble bousculer les codes de consommation pour les prochaines années. Avec un objectif toujours plus clair, celui de gagner du temps.
Les dark-stores sont-ils le futur de la grande distribution ? Ces magasins sans client, déjà expérimentés aux États-Unis par Amazon depuis quelques années, sont nés en France pendant le premier confinement. Le concept est clair : pour satisfaire ceux qui effectuent leurs courses en ligne, certaines enseignes misent sur des supermarchés exclusivement dédiés aux préparateurs de commande. Avec, pour objectif ultime, de faire descendre le plus bas possible le temps de livraison d’un panier de courses à domicile.
Cette course effrénée à la livraison répond à deux problématiques récentes : d’une part, la pandémie de Covid-19 qui incite certaines personnes à éviter les lieux avec public et, d’autre part, la digitalisation des services qui pousse les gens à moins se déplacer pour effectuer les courses. Ainsi, ils gagnent du temps et économisent une tâche souvent considérée comme fastidieuse. Dans ce contexte, les marques s’adaptent et créent les conditions nécessaires pour que le temps écoulé entre la validation de la commande et sa livraison se réduise.
Des start-ups qui sautent sur le concept
Deliveroo et Uber Eats, en partenariat avec Carrefour et Casino, ont d’abord imposé un délai de trente minutes. Trop, pour certaines marques qui ambitionnent de faire quinze minutes en milieu urbain. C’est ainsi que naissent ces dark-stores à l’intérieur desquels il n’y ni client gênant les préparateurs de commande ni merchandising pour attirer l’œil. Les rayons sont disposés de la même manière ou presque qu’un magasin classique mais ceux qui déambulent sont munis d’une tablette pour remplir le panier dont ils ont la charge.
Ce système de dark-store doit aider les magasins d’hyper-centre difficilement accessibles pour les livreurs. Ils sont conçus pour des livraisons situées dans des périmètres allant de 1,5 à 2 kilomètres autour de l’entrepôt. Des jeunes entrepreneurs ont sauté sur cette opportunité pour lancer leur application et leur lieu de stockage : Cajoo, l’épicier en ligne français, ambitionne ainsi de livrer en 15 minutes. Gorillas, son équivalent allemand, écrase tout et descend la barre à 10 minutes. Les investisseurs semblent apprécier ces supermarchés 2.0 : Cajoo lève 6 millions d’euros en février 2021 tandis que Gorillas lève 244 millions d’euros en avril 2021. Ces chiffres révèlent que la tendance en milieu urbain est bien au dark-store.
La fin des supermarchés traditionnels ?
Ce gain de temps n’est toutefois pas sans poser un problème moral : s’il se généralise, que devient la relation entre le distributeur et le consommateur ? Ce dernier n’est plus qu’un numéro de bon de commande ou un data, tandis que le ravitaillement du frigo ne se fait plus qu’à travers un écran, sans avoir de vision directe du produit ni même de sensation au toucher ou à l’odeur.
Selon les professionnels à l’origine de ces dark-stores, il n’existe pas de concurrence avec les supermarchés traditionnels puisqu’il s’agirait plutôt d’une aide pour effectuer les courses d’appoint. Un argument difficile à soutenir car les consommateurs testant l’idée sont très heureux de ne plus avoir à se déplacer pour leurs courses. Derrière ce nouveau schéma d’approvisionnement des foyers, se cache aussi un désir de rentabilité : au sein des dark-stores, pas de marketing ni d’employés de caisse ou de ménage. Les employés chargés de remplir les paniers doivent aussi répondre à des cadences infernales pour que le délai de livraison soit respecté.
Quoi qu’il en soit, l’émergence de ces nouveaux entrepôts spécialisés n’est pas anodine. Cette tendance devrait s’accroître, même une fois la pandémie de Covid-19 achevée. Est-ce la fin programmée des supermarchés dans les centres-villes ? Peut-être pas mais pour ce qui est de battre des records de vitesse pour faire les courses, il est certain que la grande compétition entre les marques démarre à peine.
Sources des photos : blog.magestore.com
