Préserver la barrière de corail et sauvegarder les emplois de l’usine de dentelle de la SCOP Fontanille au Puy-en-Velay. « Aucun rapport » penserez-vous ! Et pourtant il y a un trait d’union entre les deux et c’est Jérémy Gobé, artiste plasticien, qui le fait. En effet ce trentenaire a découvert, à travers ses passions, qu’il était possible de développer du corail en se servant de la dentelle comme substrat.
Pour comprendre ce cheminement, il faut remonter un petit peu le temps et suivre le parcours de ce Lorrain d’origine et fils de militaires. Plus artiste dans l’âme que ses parents, il fréquente l’école nationale supérieure d’art et de design de Nancy après son bac puis les Arts Déco à Paris. Il s’intéresse rapidement à la sculpture textile mais ne veut pas se contenter simplement d’exposer pour l’esthétique. Il aimerait ainsi mettre sa passion au service de causes auxquelles il est sensible dont la préservation de techniques d’artisans et de de savoir-faire appartenant au passé.
La dentelle ressemble au squelette du corail
Il voit autour de sa région natale la crise industrielle sévir et les hauts-fourneaux qui s’éteignent progressivement. En 2009, il ramène des kilomètres de tissu d’une usine proche de la fermeture et cela va constituer un déclic pour lui et il décide de travailler cette matière première pour ses œuvres.
En parallèle, il se passionne pour les coraux dont il trouve la forme inspirante sur le plan artistique. Touché par l’importance des barrières de corail et par les menaces dont elles font l’objet en raison du changement climatique, il essaie de trouver une idée pour aider à combattre cette fatalité.
Invité par le festival international du textile extraordinaire (FITE) à Clermont-Ferrand, le jeune homme de 32 ans découvre le « Point d’esprit », une technique particulière de dentelle utilisée au Puy-en-Velay et il est frappé par la ressemblance avec le squelette du corail. La rencontre entre ses deux préoccupations fait mouche : il décide de réunir sciences, arts et industrie autour d’un projet baptisé Corail Artefact.
Scientifiques et ouvriers travaillent avec l’artiste
Son projet convainc Isabelle Domart-Coulon, chercheuse en biologie marine au Muséum national d’histoire naturelle. La biologie marine cherche en vain depuis des décennies une technique pour permettre au corail de se reproduire. La dentelle est transparente et donc laisse passer la lumière dans l’eau et comme elle est faite de coton, elle est donc biodégradable. Elle pourrait alors servir de tuteur au corail qui aime se développer sur ce qui lui ressemble. La SCOP Fontanille, entreprise qui a sauvé ses emplois grâce au volontarisme de ses employés, se laisse aussi séduire par le projet qui unit désormais ouvriers, scientifiques et artistes.
Des tests sont effectués pendant l’année 2018 et semblent être efficaces. La première étape consiste à créer des colonies de corail qui se développent dans un laboratoire. Une fois le stade de préservation atteint, c’est-à-dire la sauvegarde de l’espèce, l’équipe envisage d’appliquer la méthode directement dans le milieu naturel.
A la fin de l’année 2018, elle s’envole vers la mer Rouge pour y effectuer des expériences sur le terrain. Si le résultat s’avére concluant, Artefact contribuera à résoudre un des problèmes majeurs pour l’environnement de notre planète. En effet les barrières de corail contiennent le quart de la biodiversité marine et peuvent servir de rempart face aux tsunamis. De plus, pour la production de l’oxygène que nous respirons, son importance est équivalente à celle de la forêt amazonienne.
Si le modèle est viable économiquement et transposable à grande échelle, Jérémy Gobé pourra alors se satisfaire d’avoir utilisé l’art comme lien entre plusieurs secteurs qui n’avaient à l’origine aucun point en commun. Et surtout permis peut-être de sauver la barrière de corail d’une mort certaine.
