A l’image de l’application Yo, qui malgré son inutilité flagrante a connu un succès retentissant (1,2 million de dollars ont été levés par la startup israélienne en juin), les analystes du monde entier s’interrogent sur l’intérêt que portent ces investisseurs à ce pan de l’économie numérique qui semble pour le commun des mortels dépourvu de toute valeur ajoutée.
Yo qui rassemble plus d’un million de dollars d’investissements, Facebook qui rachète la messagerie WhatsApp pour la modique somme de 19 milliards, Airbnb qui affiche une valorisation de plus de dix milliards, tandis qu’Uber dépasse les 20 milliards… Ces chiffres ont largement de quoi donner le vertige, et il est permis de se demander si la Silicon Valley n’aurait pas perdu la tête.
Pour le Wall Street Journal, la Bay Area (région autour de San Francisco) semble obnubilée par ces vingtenaires qui construisent des startups tous les trois jours. Le quotidien économique américain remet en question la capacité de ces entreprises à bouleverser le monde, malgré un engouement qui ne connaît pas de frontière. Google, Facebook ou même Uber, en forçant une profession entière – les taxis – à revoir son fonctionnement, ont eu de réels impacts sur nos vies. Mais c’est loin d’être le cas de toutes ces nouvelles startups.
Des fonds d’investissement richissimes
Dans le monde des startups, les deux tendances du moment sont la livraison immédiate et les réseaux sociaux « anonymes », mais le Wall Street Journal rappelle qu’elles ont plus le charme de la nouveauté que « le pouvoir de durer. » Ce ne sont en aucun cas des innovations, et ces tendances ne semblent pas vouées à transformer des secteurs clés de notre société comme l’énergie, la médecine ou la sécurité alimentaire. L’optimisation de plateforme est aussi à la mode, mais là non plus rien de révolutionnaire.
L’argument publicitaire, selon lequel chaque membre d’une « plateforme » est une potentielle cible pour les marketeurs, paraît lui aussi bancal. Il suffit de jeter un œil aux chiffres. Si le PIB des Etats-Unis dépasse les 16 milliards de dollars par an, n’oublions pas que le marché de la publicité en représente lui près de 100 milliards. Cela signifie que chaque startup, financée à l’aide d’un capital-risque, court après des revenus issus de la publicité, mais ne s’attaque en réalité qu’à 0,6% de l’économie. Alors qui est responsable ? Des fonds d’investissements richissimes, qui se lancent dans de plus en plus de paris et dont les décisions mènent à « une distorsion dans la manière dont notre société affecte ses capitaux. » Le cabinet PwC ajoute qu’aux Etats-Unis le secteur « tech » absorbe près de 37 % de l’ensemble des financements issus des fonds de capital-risque.
Un marché qui a faim
Cette folie des acquisitions engendre une surenchère des géants du Web pour mettre le grappin sur la dernière application prometteuse (Snapchat, Waze, etc.), ce qui renforce l’impression d’une bulle dans ce secteur. Les économistes se veulent rassurants en rappelant que le nombre d’introductions en Bourse reste faible par rapport au rythme que connaissaient les années 1990. Les analystes de Bloomberg ajoutent qu’il s’agit d’un marché en pleine explosion : « la Silicon Valley est un marché qui a faim. »
Enfin, dans un contexte de marché en hausse mais de taux bas, le retour sur investissement n’en devient que plus intéressant pour un investisseur prêt à débourser quelques millions dans la dernière App à la mode. Seul danger, que la valeur de cette nouvelle pépite ne se dégonfle d’un coup d’un seul lorsqu’elle est introduite en Bourse, à l’exemple du créateur de jeux Zynga ou du site de coupons de réduction Groupon.
Mais Internet a fait de nous des gens pressés, force est de constater, et l’engouement suscité par des applications comme Yo en est un symptôme. Un chroniqueur du quotidien britannique The Independent conclut que « notre intérêt pour Yo n’a rien à voir avec le potentiel futur de l’App, mais cela nous fait simplement rire, un court moment en tout cas. » De là à se dire qu’il existe un marché pour un équivalent numérique du clin d’œil, c’est loin d’être évident.
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