Selon le World Giving Index de 2018, un indicateur mesurant la générosité d’un pays créé par la fondation britannique Charity Aid Foundation (CAF), la Russie obtient la 110e place sur 146 pays. Bien que ce score montre qu’elle ne fait pas partie des pays les plus généreux du monde, la Russie s’est néanmoins améliorée par rapport à l’année précédente en avançant de quatorze places.
Une petite histoire de la philanthropie Russe
En Russie, la charité à grande échelle est encore timide. Pour comprendre ce phénomène il est nécessaire de s’intéresser aux influences majeures qui ont traversé la société. En effet, l’absence de cette culture philanthropique peut s’expliquer en partie par le récent passé communiste du pays. A l’époque de l’URSS, la charité n’avait aucune raison d’être puisque le bien public était la propriété et le fait de l’Etat : en cas de défaillance, il revenait à l’Etat d’intervenir.
L’Eglise orthodoxe a également pu exercer une influence sur le faible développement de la culture du don et de la philanthropie, comme ailleurs en Occident. Eglise majoritaire en Russie, elle proscrit à ses fidèles la charité ostentatoire. En d’autres termes, qui souhaite donner, le fait discrètement.
Ce contexte culturel et politique n’a pas facilité l’essor massif des oeuvres caritatives dans la société russe au cours des deux derniers siècles. De fait, la philanthropie, est un phénomène relativement récent en Russie, propulsé principalement aujourd’hui par les grandes fortunes.
La générosité des grandes fortunes, levier majeur de l’action caritative Russe
Depuis quelques années, les personnalités les plus fortunées de Russie ont manifesté un intérêt grandissant pour le don.
Vladimir Potanin est l’une des figures phares de la philanthropie russe. Ce milliardaire ayant fait fortune grâce à sa société d’exploitation et de transformation du nickel, a créé une fondation à son nom en 1999. Il est d’ailleurs le premier milliardaire russe à signer le Giving Pledge, projet initié par Bill Gates et Warren Buffet. Le Giving Pledge consiste à ce que chaque signataire promette de faire don d’au moins la moitié de sa fortune de leur vivant ou à leur décès. En signant cette promesse, Vladimir Potanin avait espoir de montrer la voie à ses compatriotes.
Iskander Makhmudov fait également partie de ces milliardaires russes qui se démarquent par leur générosité. L’homme d’affaires, président de la société Ural Mining and Metallurgical Company, participe à des oeuvres caritatives grâce à sa fortune personnelle et à travers ses sociétés. Depuis l’an 2000, il a consacré 1 milliard de dollars à la philanthropie. Il finance personnellement des programmes pour la protection de l’environnement et des animaux et finance différentes causes telles que la culture, l’éducation ou bien le sport.
La participation à la charité peut aussi s’accompagner d’une certaine réflexion. Alexeï Antropov, entrepreneur et fondateur de la Fondation Antropov, est très impliqué dans la promotion de la culture du don. Ce dernier défend une philanthropie mondiale. Il estime que la bienfaisance ne devrait plus se faire à l’échelle d’un pays dans un monde globalisé. Pour mettre en pratique sa vision, il a par ailleurs contribué à l’organisation du Sommet International de la Philanthropie en février 2018 à Monaco.
L’absence de diversité des causes financées
Maria Chertok, directrice du Charity Aid Foundation Russia, observe une dichotomie entre les causes traditionnelles et les causes progressives. Les causes traditionnelles, telles que la santé, l’éducation ou la culture, prendraient le pas sur les causes plus progressistes, telle que la défense des droits fondamentaux ou la diversité homme-femme. En effet, ces dernières ne font pas encore l’objet de financements importants en raison du risque politique que pourraient engendrer ces donations.
L’avenir de la philanthropie Russe
Bien que la culture du don russe n’en soit qu’à ses prémices à l’échelle de la société, elle connaît néanmoins une réelle évolution. La philanthropie a le vent en poupe en Russie : créer sa fondation est devenu un passage obligé pour les grandes fortunes. L’environnement médiatique de plus en plus favorable conjugué à une opinion publique qui perçoit cette pratique de manière plus positive offre un cadre prospère à la bienfaisance, nous indique un rapport coproduit par CAF Russia et WINGS (Worldwide Initiatives for Grantmaker Support).
Le contexte politique, lui, n’apparaît pas comme un facilitateur du développement des oeuvres caritatives. D’une part car les donations ne sont pas encouragées par des avantages fiscaux, d’autre part en raison de l’existence d’une loi de 2012, dite loi sur les agents étrangers, empêchant toute organisation de recevoir le soutien de l’Etat si ces dernières reçoivent des financements étrangers et sont impliquées dans la vie politique du pays.
Afin de consolider les progrès réalisés, peut-être est-ce maintenant aux politiques d’impulser une nouvelle dynamique ?
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