Six mois se seront écoulés avant que le Conseil national du numérique, plongé en pleine crise, ne se dote d’une nouvelle présidence. Six mois d’incertitudes et de pourparlers qui ont finalement abouti, le 30 mai, à la nomination de Salwa Toko. A charge, pour cette militante associative, de redresser une instance fortement ébranlée par l’affaire Rokhaya Diallo.
Sortir de la tempête
Cerner les enjeux du numérique, garantir les droits de ses utilisateurs, informer et conseiller le gouvernement sur des questions souvent cruciales, telles sont quelques-unes des missions du Conseil national du numérique (CNNum), instance fondée en 2011 sous le mandat de Nicolas Sarkozy. Dotée d’un budget annuel avoisinant les 100.000 euros, cette autorité a prononcé des avis souvent pertinents sur des sujets allant de la neutralité du Net à l’intelligence artificielle, en passant par l’écologie, l’éducation, la protection des données et le chiffrement des communications. Ces avis consultatifs, donnés par ses 30 membres bénévoles au Secrétaire d’État chargé du Numérique, se sont parfois distingués par leur opposition à la vision gouvernementale. La loi renseignement avait notamment, en 2013, suscité de vifs débats au sein du Conseil.
Théoriquement indépendant, l’instance avait contesté, en décembre 2017, l’ingérence de son ministre de tutelle lorsque ce dernier, lui-même ancien président du CNNum, s’était exprimé contre la présence en son sein des personnalités controversées de Rokhaya Diallo et du rappeur Axiom. Marie Ekeland, sa présidente d’alors, avait démissionné avec fracas, suivie par la grande majorité des membres du Conseil. Après cinq mois de vacance, la présidence revient à Salwa Toko qui a, dans la foulée, présenté la liste des 30 nouveaux membres du comité.
Militante associative et féministe
Issue du milieu associatif, Salwa Toko se distingue d’emblée par son sourire lumineux, son esprit combattant et son optimisme. Des qualités dont elle aura besoin pour redresser le champ de ruine qu’est devenu en quelques mois le CNNum. Cette militante de 42 ans, de père malien et de mère marocaine, s’était précédemment distinguée par sa lutte en faveur de l’inclusion des femmes dans le milieu très masculin du numérique. Ayant passé son enfance au Mali, Salwa Toko est arrivée en France à l’âge de 12 ans et a peiné à s’adapter à cette nouvelle vie.
Devant des résultats scolaires décevants, une conseillère d’orientation lui propose deux alternatives : la coiffure ou la couture. Outrée par ces suggestions basées sur le genre, la jeune Salwa redouble d’efforts et devient vite une excellente élève. Passionnée par le numérique, elle passe le début des années 2000 à Berlin, travaillant pour une chaîne de télévision. De retour en France, elle rejoint la fondation Agir contre l’exclusion (FACE), qui s’implique dans l’insertion par le numérique.
Dans le cadre de ses activités, elle participe en 2012 à un grand rassemblement à la gloire des IUT informatique : seule femme présente, Salwa Toko réalise dès lors à quel point le numérique demeure un secteur monopolisé par les hommes. Commence alors pour elle un deuxième combat.
Wi-Filles, former les adolescentes aux métiers du numérique
Habitant en Seine Saint-Denis, Salwa Toko décide de choisir ce département pour fonder en 2014 son association Wi-Filles. S’adressant aux adolescentes, l’objectif de cette structure est de sensibiliser les 14-17 ans en leur inculquant tous les rudiments de l’informatique avant qu’elles ne choisissent leur orientation professionnelle. Par le biais d’ateliers gratuits se déroulant en dehors des heures de cours, une centaine de jeunes filles ont pu bénéficier de formations touchant à la programmation, aux réseaux sociaux et à l’entrepreneuriat. Salwa Toko transforme en 2014 Wi-Filles en Becomtech, une structure encore plus ambitieuse projetant d’installer ses ateliers dans la plupart des grandes villes de France.
C’est donc une militante infatigable que Mounir Mahjoubi, le Secrétaire d’État chargé du Numérique, a nommée à la tête du CNNum. Pour la première fois de son histoire, l’instance se retrouve composée à stricte égalité de femmes et d’hommes, venant d’horizons divers. Entrepreneurs, intellectuels, universitaires et membres d’associations vont pouvoir de nouveau se réunir pour aborder des thèmes primordiaux qui nous concernent toutes et tous.
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