En prévision d’un référendum en 2017, le Royaume-Uni se prépare à l’éventualité d’une sortie de l’Union européenne, avec pour conséquences une nouvelle donne internationale. Décryptage d’une issue incertaine.
L’article 50 du Traité sur l’Union européenne est on ne peut plus clair : « Tout Etat membre peut décider conformément à ses règles constitutionnelles de se retirer de l’Union ». Entré en vigueur en 2009 à Lisbonne, ce traité offre donc la possibilité à tout moment de sortir de la famille Europe. Si David Cameron remporte les prochaines élections législatives en mai 2015, il organisera dans les deux ans à venir un référendum donnant aux sujets de Sa Majesté la possibilité soit de poursuivre ou d’en finir avec l’Union européenne. Dans ce dernier cas, la sortie serait effective avant 2020. Si référendum il y a, il faudra compter avec les voix du parti de l’Indépendance Ukip qui, lors des dernières élections locales partielles de mai 2013, a recueilli 23% des votes, se situant juste derrière le parti conservateur (25%) et les travaillistes (29%). La formation de Nigel Farrage, réputée pour ses positions europhobes et anti-immigration, risque d’influencer le vote contestataire.
Pour Jacques Leruez, spécialiste de la politique au Royaume-Uni, « l’Ukip fait campagne sur deux choses : l’hostilité à l’Europe et l’immigration. Or l’immigration, à leurs yeux en tout cas, est la conséquence de l’Europe ».
Une sortie probable aux conséquences incertaines
Les élections de mai 2015 révèleront un paysage nouveau où le Royaume-Uni risque d’être dirigé par un gouvernement de coalition. En effet, la progression de l’Ukip se réalise à travers un électorat populaire, ainsi l’équilibre institutionnel basé sur deux grands partis peut éclater avec pour conséquence un pays difficile à gouverner. Dans ce scénario, nombreux sont ceux qui n’excluent pas comme probable une sortie de l’Union européenne.
Selon des sources gouvernementales citées par l’hebdomadaire allemand Dier Spiegel, « Pour la première fois Cameron pousse son pays vers un point de non-retour sur la question de son appartenance à l’Union européenne, vers un point à partir duquel Berlin ne se battra plus pour le maintien de la Grande-Bretagne au sein de l’Union européenne ».
L’Angleterre regarde son portefeuille
En temps de crise tout est bon pour nourrir un discours anti-européen, les partis europhobes s’appuient sur des chiffres, ce que coûte l’appartenance à l’Union par exemple. Nombreuses sont les entreprises britanniques qui souhaitent se libérer du joug de l’Union en proclamant que 90 % de l’économie britannique n’est pas concernée par les échanges commerciaux en Europe. Selon le tabloïd The Sun, les règles européennes coûtent 9 milliards d’euros aux entreprises et contribuables britanniques, voire un million d’emplois… Un discours qui risque de faire son effet, mais un discours où les inconvénients d’une sortie ne sont que rarement exprimés.
Une tentation à évaluer
Si, à l’instar de la Suisse et de la Norvège, la Grande-Bretagne cherche à jouer en solitaire, la prise de risque pèsera lourd. L’isolement peut vite se transformer en cauchemar, la Suisse comme la Norvège n’ont pas d’influence pour modifier les règles de l’UE, ainsi tout en ayant accès au marché unique et étant à l’abri des règles en matière d’agriculture et de pêche, ces pays doivent malgré tout se plier à d’autres règles.
S’isoler de l’Europe et de ses marchés
Le Royaume-Uni pourrait alors rechercher un statut particulier, dans ce cas il y a fort à parier que la France et l’Allemagne s’y opposerait. Faire cavalier seul rendrait plus difficile les négociations avec les pays émergents. Que dire des droits de douane qui pourraient être réclamés ? Les discours anti-européens oublient souvent de citer que la moitié des exportations sont à destination des autres pays de l’Union. Qu’adviendra-t-il des relations commerciales, les pays importateurs ne risquent-ils pas de regarder ailleurs ? Le secteur de la finance, lui, sait bien qu’une sortie serait catastrophique.
La City en vigile
Unique place financière derrière New York, la City représente 10 % du PIB britannique. L’allié historique que sont les Etats-Unis et surtout ses banques pourraient, dans le cas d’un scénario d’isolement, revoir leurs positionnements pour s’implanter ailleurs. Le Royaume-Uni est une place financière de premier ordre en Europe, elle accueille plus de 250 branches et filiales de banques étrangères dont un tiers de la zone euro. La Grande-Bretagne est ainsi en tête du marché européen des introductions en bourse. Il sera difficile pour la City d’abandonner son leadership et le jeu risque de ne pas en valoir la peine.
Une Europe au ralenti
Les amitiés de quarante ans ne se brisent pas sans dégâts. Pour la France, comme pour le reste de l’Europe, la Grande-Bretagne a toujours été un partenaire économique de premier plan, que ce soit en termes d’échanges commerciaux, de défense, d’investissement et de services financiers. Un partenaire indispensable pour la croissance ainsi que pour l’emploi de la zone euro. Un partenaire qui, avec ses exigences libérales, a su doper l’Europe. Il est difficile pour les pays du nord de l’Europe d’imaginer que cet allié influent sur les décisions de libre-échange puisse du jour au lendemain disparaître sans que cela remette en question l’équilibre durement acquis. Les conséquences seraient alors nombreuses et néfastes, conjuguées à la perte de confiance des investisseurs cela nuirait à la croissance des pays membres. Espérons que l’ouverture du débat sur la sortie de l’UE ait pour effet d’augmenter le pourcentage des votes en faveur du maintien dans l’Union.
Vu de France, un scénario politique indésirable
Si la France vient de perdre son cinquième rang de puissance mondiale au profit du Royaume-Uni avec une différence d’une centaine de milliards d’euros, elle n’en reste néanmoins attachée au paysage européen tel qu’il est aujourd’hui. Comme les autres pays de l’Union, la France est consciente que ce qui se joue de l’autre côté de la Manche ressemble fortement à une nouvelle donne politique. Tout comme l’Hexagone, la Grande-Bretagne doit faire face à une crise économique qui est instrumentalisée par des discours europhobes. Dans cette bataille des idées et des valeurs, l’Union prend toute sa dimension et il est fort à parier que dans les couloirs des assemblées les discussions porteront essentiellement sur cet équilibre à préserver. En cela la France comme le reste des pays membres devront user de leur influence pour que le Royaume-Uni réaffirme son attachement au vieux continent.
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