Au cours de ces dernières années, la Palestine, et plus particulièrement la ville de Ramallah, a fait preuve d’un remarquable dynamisme dans le secteur des nouvelles technologies. Surmontant les nombreuses contraintes liées au contexte régional, ingénieurs, développeurs et entrepreneurs sont parvenus à hisser Ramallah au rang de Tech hub, ces laboratoires de l’innovation où pullulent les startups technologiques. Au-delà de l’intérêt économique, cet afflux de compétences pourrait servir la paix entre les deux communautés.
Les atouts palestiniens
Employant une dizaine de milliers de personnes, l’IT palestinien est un secteur en plein essor. Dans des bureaux climatisés identiques à ceux de la Silicon Valley ou de Paris, programmeurs et créateurs d’applications s’activent derrière leurs écrans, délaissant provisoirement le billard trônant au milieu de la pièce. La moyenne d’âge est jeune, l’ambiance décontractée, et les idées fusent, concrétisées par de belles réussites. Conférences internationales, weekends dédiés aux startups et hackathons se succèdent dans la capitale administrative palestinienne. Les universités forment tous les ans près de 2000 étudiants spécialisés dans les nouvelles technologies, et les professionnels sont épaulés par la Pita, Palestinian IT Association of Companies. La montée en puissance du secteur, qui représente plus de 10% du PIB de l’Autorité, suscite l’intérêt du puissant voisin israélien, mais aussi des grandes entreprises IT, telles que Cisco, HP ou Microsoft.
Rapprochement entre les communautés
Située à une trentaine de kilomètres de l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv, Ramallah attire les investisseurs en provenance de l’Etat hébreux, séduits par les compétences et les tarifs des informaticiens palestiniens. Loin des discours vindicatifs des politiciens des deux bords, les communautés voient dans les nouvelles technologies un moyen de rapprochement entre les peuples. Président du fonds d’investissement Pitango, Chemi Peres, fils de Shimon Peres, a levé 50 millions de dollars en faveur des startups palestiniennes. Eitan Wertheimer, l’un des hommes d’affaires les plus riches d’Israël, a inauguré en 2013 le Nazareth Industrial Park, qui servira d’incubateur pour les startups palestiniennes. Entrepreneur et politicien, Erel Margalit défend à la Knesset sa vision d’un rapprochement bénéfique aux deux ennemis héréditaires. « Ces gens sont nos voisins, ils ont des projets, nous en avons aussi. Nous pouvons coopérer. Ils ne sont qu’à vingt minutes de Jérusalem, notre capitale. Nous nous devons d’ouvrir un nouveau chapitre ».
Palestine et Israël : un espoir de paix
Loin d’entrer en concurrence, les deux entités pourraient au contraire former un puissant pôle d’attraction régional. Les échanges favoriseraient la paix et la stabilité de la région à moyen terme, et pourraient s’avérer plus efficaces que la politique menée par Rami Hamdallah et son homologue Benyamin Netanyahou. Conscients des avantages d’une collaboration entre les deux peuples dans une région sous haute tension, de grands groupes mondiaux ont décidé d’apporter leur soutien aux coopérations bilatérales. Fortement implantés en Israël, les géants de la High Tech ont de plus en plus recours à du personnel palestinien, et le succès des équipes mixtes apporte l’espoir de relations nouvelles. Dans ce but, Cisco, le leader mondial des réseaux, a investi 15 millions de dollars dans Ma’antech, une structure favorisant le rapprochement entre sociétés israéliennes et palestiniennes. Selon John Chambers, CEO de Cisco, « Le moyen de mettre fin à ce conflit passe par la création d’une classe moyenne, […] qui ne tiendrait compte ni de l’âge, ni de la religion, ni du sexe ».
Conditions précaires
Pourtant, le chemin est encore parsemé d’embuches. Alors qu’Israël, qualifiée de startup nation, offre de nombreux avantages à ses entreprises innovantes, les Palestiniens doivent lutter contre des difficultés qui en décourageraient plus d’un. La proximité géographique entre Ramallah et Jérusalem cesse d’être un atout lorsqu’il faut plusieurs heures à un palestinien pour traverser les checkpoints successifs. L’absence de couverture 3G, interdite dans les territoires occupés, pénalise tant les professionnels que les particuliers. Malgré les 2 000 diplômes décrochés chaque année dans le domaine de l’informatique, seule la moitié des étudiants parviennent à trouver un travail. Une meilleure culture entrepreneuriale doit aussi être inculquée, et une simplification des lois serait accueillie avec soulagement par les créateurs de startups. Mais surtout, l’animosité toujours en vigueur des deux côtés de la frontière oblige à conserver une certaine discrétion. Etre en partenariat avec une entreprise juive ou palestinienne peut encore être considéré comme une traitrise, conduisant parfois au boycott et aux menaces. Tandis que certains Juifs craignent que la technologie acquise par des échanges professionnels ne se retourne contre eux en cas de guerre, des Palestiniens radicaux assurent qu’une telle collaboration ne peut que renforcer Israël.
Des déclarations qui n’empêchent heureusement pas les partenariats de se multiplier, garantissant à terme un changement des mentalités qui ne pourra être que profitable à la région.
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