Camille Bouget, cofondatrice et PDG de Scienta Lab, fait partie de cette génération de jeunes entrepreneures qui cherchent à transformer la santé par la technologie. Pharmacienne de formation, elle a travaillé dans l’industrie avant de se tourner vers l’entrepreneuriat, avec l’idée que les outils numériques pourraient contribuer à mieux comprendre les maladies auto-immunes. Son parcours, assez représentatif des trajectoires actuelles dans la healthtech, s’inscrit dans une tendance forte : mettre l’intelligence artificielle au service de la médecine dite « de précision ».
Contrairement à l’image parfois très lisse associée aux dirigeantes de start-up, Camille Bouget revendique une approche pragmatique. Elle parle volontiers des limites des méthodes traditionnelles, mais avec une prudence que l’on ne retrouve pas toujours chez d’autres entrepreneurs de la tech. Scienta Lab est né de ce constat – celui d’une médecine qui, malgré les progrès scientifiques, échoue encore trop souvent à proposer des traitements réellement adaptés aux patients.
Scienta Lab, entre ambition scientifique et réalité du terrain
Scienta Lab développe un modèle algorithmique censé mieux prédire la réponse immunitaire individuelle, en analysant des données cliniques et biologiques variées. Cette vision, proche de celle de nombreuses start-up du secteur, repose sur une idée simple : si l’on connaît mieux le patient, on traite mieux la maladie.
Mais dans les faits, la démarche est loin d’être évidente. L’entreprise évolue dans un domaine extrêmement complexe où la qualité des données, leur diversité, et la validation clinique jouent un rôle déterminant. Scienta Lab doit donc naviguer entre un discours d’innovation attractif et les contraintes opérationnelles d’une véritable application médicale.
L’équipe, jeune et multidisciplinaire, cherche à faire sa place dans un paysage compétitif où les initiatives se multiplient. Malgré quelques partenariats et une communication soignée, la start-up reste encore en phase de démonstration, comme beaucoup d’acteurs de la healthtech. Les promesses sont ambitieuses, mais leur concrétisation demandera du temps, des preuves scientifiques solides et une intégration profonde au monde médical, encore prudent face à ces approches.
Un projet qui suscite intérêt… et réserves
Comme toute entreprise qui mise largement sur l’IA, Scienta Lab n’échappe pas aux critiques. Certains spécialistes jugent que la technologie reste trop immature pour prédire des phénomènes biologiques aussi subtils que l’immunité. D’autres mettent en avant le risque de surpromesse, un travers fréquent dans les jeunes pousses technologiques cherchant à séduire investisseurs et laboratoires pharmaceutiques.
L’entreprise doit également affronter les interrogations classiques : gestion des données sensibles, risques de biais, modèles opaques, dépendance aux financements privés. Ces questions ne sont pas propres à Scienta Lab, mais elles soulignent le caractère encore fragile de ce type de projets.
Camille Bouget, pour sa part, adopte une communication relativement mesurée. Elle reconnaît les limites du système, évoque les contraintes réglementaires et rappelle que l’IA n’est pas une baguette magique. Mais cette prudence ne suffit pas toujours à dissiper le scepticisme de certains chercheurs ou cliniciens, qui attendent des résultats concrets avant d’adhérer pleinement à l’approche.
Au final, Camille Bouget et Scienta Lab évoluent dans un secteur prometteur mais semé d’embûches. Leur ambition est réelle, leurs idées s’inscrivent dans un mouvement global, mais leur impact dépendra avant tout de leur capacité à produire des preuves tangibles et à convaincre un monde médical exigeant. C’est une histoire encore en construction, où enthousiasme et prudence avancent côte à côte.
Photo : dataconomy.com
