La trottinette électrique est au cœur de l’actualité des grandes villes de France. Son arrivée massive sur les trottoirs de Paris, Lyon ou Bordeaux change le paysage urbain (on prévoit plus de 40.000 engins à Paris d’ici la fin 2019). La mise en place des trottinettes en libre-service par une dizaine de sociétés (Lime, Bird, Wind, Bolt…) offre également un nouveau métier à l’ère de l’uberisation : chargeur de trottinette.
Les professionnels de la trottinette électrique attirent leurs futurs juicers (de l’argot anglais juice qui désigne l’électricité) en vantant la possibilité de gagner 100 euros par jour. La réalité est plus complexe. Le juicer doit posséder un numéro de siret afin de prouver qu’il est autoentrepreneur. On lui fournit des boîtiers de chargement puis il repère les trottinettes disponibles qui ont besoin d’être chargées.
Plus la trottinette est accessible, moins elle est rémunérée (le prix varie de 6 à 20 euros en fonction de son emplacement). Ensuite, il effectue les recharges à son domicile. Il doit se lever tôt pour redéposer entre 4h et 7h du matin les trottinettes récupérées la veille sachant que toute machine remise après 7 h fait l’objet d’une pénalité.
Des courses inutiles non rémunérées
Une forte concurrence sévit dans le milieu et parfois, la trottinette peut être repérée par deux juicers en même temps. Le premier qui l’enlève gagne la course et pour celui qui est venu pour rien, la société ne compense pas financièrement. Il existe deux types de juicers : les amateurs, ceux qui n’effectuent que quelques recharges lorsqu’ils ont du temps libre et qui ne cumulent jamais plus de quatre trottinettes. Et il y a les professionnels, ceux qui investissent dans un camion et chargent plus de 40 engins par jour.
Pour ces derniers, ils peuvent gagner jusqu’à 200 euros par jour mais il faut retrancher l’amortissement du prix du camion, les charges fixes (carburant, assurance, cotisations, électricité) et les charges surprises comme les amendes pour stationnement.
Si une mésaventure intervient (la trottinette initialement visée est en fait bloquée dans une propriété privée), la course n’est pas rémunérée. Comme dans tous les métiers dits « Uber », le juicer ne bénéficie d’aucune protection sociale, n’a pas droit aux congés payées et ne doit compter que sur lui-même en cas de pépin.
Certaines trottinettes ont les roues bloquées si ce n’est pas un utilisateur qui s’en saisit. Autrement dit, le juicer doit absolument porter l’engin de 12,5 kilos sur son dos. S’il n’a pas de véhicule pour l’acheminer, l’opération s’avère rapidement compliquée. Pour certains juicers, une fois mises bout à bout toutes les contraintes, la paie finale peut descendre jusqu’à deux euros de l’heure.
Un transport si écologique ?
Certains essaient donc de rentabiliser leur temps de travail. Dernièrement, une polémique est née après la publication d’une vidéo montrant une douzaine de trottinettes de la société Lime rechargée à l’aide d’un groupe électrogène en bordure d’un tunnel parisien. Une hérésie lorsque l’on sait que ce mode de transport est mis en avant pour son caractère écologique. La recharge grâce à un appareil chargé à l’essence paraît donc antinomique. Tout comme le fait que des juicers parcourent des kilomètres en centre-ville avec des véhicules à moteur polluants, parfois pour rien.
Par ailleurs, le magazine Quartz a publié fin 2018 un rapport après avoir examiné les datas de 129 trottinettes électriques déployées à Louisville dans le Kentucky. La durée de vie moyenne d’une machine est inférieure à 29 jours et elle parcourt un peu plus de 260 km en 92 trajets. Le plus robuste des engins a tenu 112 jours. Pas sûr, au regarde de la fiabilité de ces appareils et à la gestion des recharges, que ce mode de transport soit finalement bien écologique. Quant au volet social, difficile de trouver des points positifs pour les juicers.
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