La romance entre Tesla et Wall Street a fait long feu. Longtemps accommodants avec le constructeur des véhicules électriques, les analystes financiers se montrent de plus en plus négatifs envers la firme de Palo Alto. Les chiffres leurs donnent raison : Tesla a notamment annoncé une perte record de deux milliards de dollars pour l’année 2017. Plus largement, le charisme d’Elon Musk ne peut plus masquer les difficultés structurelles et financières que rencontre son entreprise.
En mars dernier, Tesla a vu sa capitalisation boursière chuter de 51,4 à 43,2 milliards de dollars. John Thompson, directeur des investissements chez Vilas Capital Management, estimait que l’entreprise pourrait faire faillite dans les six mois. Le groupe qui dispose de 3,4 milliards de dollars de trésorerie, dépenserait plus d’un milliard par trimestre. Selon Thompson, Tesla nécessiterait huit milliards pour combler ses pertes d’exploitation, ses dépenses en capital, ses dettes et ses besoins en fonds de roulement.
Un feu de billets de banque
Bloomberg s’est montré encore plus cinglant en comparant Tesla à un feu de billets de banque. Selon le journal d’information financière, la dette à long terme du constructeur avoisine les dix milliards de dollars. Bloomberg pointe la taille démesurée atteinte par l’entreprise. Tesla qui employait seulement 899 personnes en 2010, a vu son effectif croître plus vite que ses revenus et atteindre aujourd’hui les 40.000 salariés.
Moody’s a de son côté dégradé la note de Tesla. Le constructeur doit dorénavant se financer à des taux d’intérêt de 8 à 10 % contre 3 % auparavant. Pourtant, selon le Z-score d’Altman, qui évalue la probabilité de faillite des entreprises, Tesla n’est pas plus en danger que Ford ou General Motors. Quand un indice inférieur à 1 est signe de banqueroute sous deux ans, l’entreprise californienne (1,30) est mieux positionnée que les deux constructeurs de Détroit (respectivement 1,13 et 1,15).
Des difficultés à produire le modèle 3
Auréolé du succès des modèles S et X, Tesla misait beaucoup sur le modèle 3, un véhicule électrique grand public accessible pour 35.000 dollars. Toutefois, l’usine de Frémont n’a produit que 10.000 exemplaires au premier trimestre, soit une cadence insuffisante pour atteindre l’objectif annuel (500.000 en 2018). Elon Musk a pris beaucoup de risques en misant sur une usine entièrement robotisée. Il estime maintenant que cette décision est une erreur que son entreprise paie aujourd’hui.
Les problèmes de Tesla montrent les difficultés de s’improviser constructeur. L’automobile est une industrie dans laquelle l’expérience pèse. Pour Sam Abuelsamid, analyste chez Navigant Research, le groupe californien reproduit les fautes commises par les constructeurs dans les années 1980. General Motors a notamment dépensé des milliards dans l’automatisation de sa production sans succès. De plus, contrairement à la concurrence, Tesla n’a que trois modèles et par conséquent pas de produit « vache à lait » qui lui permettrait de mieux supporter les coûts R&D.
Des démissions en série
Tesla doit enfin faire face à la fuite de ses talents avec le départ de plusieurs ses cadres. Le mois dernier, Jim Keller, en charge du développement du processeur d’intelligence artificielle, a quitté l’entreprise pour Intel. Plus récemment c’est Doug Field, directeur du développement des véhicules, qui a annoncé vouloir prendre une pause et Matthew Schwall, responsable des relations avec les instances de surveillance en matière de sécurité, a été débauché par Waymo.
Elon Musk a annoncé une modification de l’organisation de Tesla en conséquence et le lancement d’un hackathon pour résoudre les problèmes de production du modèle 3. Les mois à venir vont être déterminants pour l’entreprise. Face à la tempête, Tesla peut compter sur un capitaine brillant mais impétueux. Le « poisson d’avril » du milliardaire a coûté très cher au groupe, mais l’expérience SpaceX a montré la capacité d’Elon Musk à apprendre de ses échecs et de faire preuve d’une obstination incomparable.
