devoir de vigilance

Les grandes entreprises françaises devront surveiller leurs sous-traitants

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Après quatre ans d’allers-retours au Parlement, l’Assemblée nationale a finalement adopté la loi sur le « devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre » le 21 février dernier. Cela à la grande joie des ONG dont certains observateurs regrettent néanmoins que la loi ne soit pas plus contraignante.

Amnesty international, la Confédération française démocratique du travail, Sherpa et les Amis de la Terre ont malgré tout salué la résolution des députés, qui ont voté à 94 contre 4 en faveur du projet de loi. Une décision qui constitue selon les ONG « un premier pas historique pour le respect des droits humains par les multinationales et une victoire collective de la gauche réunie, des syndicats et des ONG qui ont travaillé main dans la main pour inscrire ce projet dans la loi ».

La valeur juridique de la loi sur le devoir de vigilance

Le projet de loi initié depuis fin 2013 par Dominique Potier, le rapporteur du texte, instaure un principe de prévention visant à responsabiliser les entreprises françaises aux pratiques de leurs fournisseurs et de leurs sous-traitants.

La catastrophe du Rana Plaza au Bangladesh, fin avril 2013, où un bâtiment abritant des travailleurs du textile s’était effondré faisant officiellement 1138 victimes et plus de 2000 blessés, avait fait réagir bon nombre de députés quelques mois avant l’initiative. Choqué, le législateur français a alors voulu graver dans le marbre la nécessité pour les sociétés mères de veiller plus efficacement aux bonnes pratiques des entreprises sous-traitantes. Une législation que Dominique Potier n’hésite pas à qualifier de « plus avancée au monde sur la question».

Quelles entreprises sont véritablement concernées ?

La mouture finale de la loi contraint les entreprises françaises de plus de 5000 employés, 10.000 si le siège social est à l’étranger, à mettre en œuvre et à publier un « plan de vigilance pour prévenir les atteintes graves envers les droits de l’homme, les libertés fondamentales, la santé et la sécurité des personnes, ainsi que l’environnement» de leurs employés et des employés de leurs fournisseurs et sous-traitants.

Ainsi si aucun plan n’est effectivement mis en place ou s’il n’est pas respecté, des associations et des civils pourront, grâce à cette loi, saisir la justice s’ils estiment qu’il y a assez d’éléments de plaintes à l’encontre de ces grandes entreprises. Ces dernières s’exposeraient alors à payer pour les préjudices causés voire à une amende, plafonnée à dix millions d’euros.

Seulement 150 à 200 entreprises finalement concernées

Les principales ONG qui ont salué le vote de la loi estiment, tout de même, qu’elle aurait pu être plus contraignante. Sabine Gagnier, d’Amnesty International, regrette par exemple que « certaines versions antérieures de la loi étaient plus ambitieuses ». Tout d’abord, selon les limites de taille fixées par la loi, seules 150 à 200 entreprises sont finalement concernées.

L’autre gros point d’achoppement concerne les modalités de plainte. En effet, dans ce projet de loi, c’est aux plaignants de prouver le lien entre les dommages causés par une entreprise ou un de ses fournisseurs et le manque d’action de la société-mère. Sabine Gagnier souligne que réunir de telles preuves est un travail lourd pour les victimes qui « viennent souvent de pays pauvres, sont isolées et parfois analphabètes ».

Les opposants dénoncent une loi qui produit des déséquilibres concurrentiels

Le projet de loi s’est heurté à un véritable marathon institutionnel. Ces différentes moutures ont systématiquement été déboutées lors des séances au Sénat. Le 1er février dernier, la majorité sénatoriale a déposé une motion d’irrecevabilité, mettant en cause la constitutionnalité de la loi.

Des élus de droite, le Medef et l’Association française des entreprises privées soutiennent que cette loi produit des déséquilibres concurrentiels très préjudiciables pour les entreprises françaises, arguant que les principes directeurs de l’OCDE pour une conduite responsable des affaires, qui sont non-contraignants, suffisent. Certains sénateurs avaient déjà exigé que le projet de loi ne soit adopté que quand il existerait un équivalent à l’échelle européenne.

Les défendeurs de la loi espèrent d’ailleurs que l’initiative française pourra inspirer le législateur européen. Mais pour l’instant, ce ne sont que quelques voisins européens qui semblent intéressés d’adopter le même type de loi. «Nous sommes invités par les socio-démocrates allemands pour présenter la loi devant leur parlement, et en Espagne et en Belgique, on s’intéresse aussi à cette législation exemplaire » explique Dominique Potier.

A l’échelle mondiale, un projet de traité sur les multinationales et les droits humains existe aussi à l’ONU, via un groupe de travail créé depuis deux ans sous l’égide de l’Équateur dans lequel la France et l’Union européenne sont impliquées. Mais, comme le déplore Sabine Gagnier, on ne devrait pas voir de résultats concrets avant plusieurs années.

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