amaon US jeff bezos employés

Peut-on encore vouloir travailler chez Amazon ?

Share Button

Depuis quelques années, les polémiques sur les conditions de travail chez Amazon se sont multipliées. Certains salariés accusent le pire tandis que d’autres le nient en bloc. Deux camps s’opposent. Qu’en est-il vraiment ?

L’histoire peut faire sourire. Jeffrey Preston Jorgensen alias Jeff Bezos a créé le site de vente en ligne Amazon le 16 juillet 1995 depuis le fond de son garage, après avoir écumé les entreprises financières de Wall Street, dont D.E. Shaw & Co. Il connaît un succès phénoménal : en à peine deux mois le site Web comptabilise déjà plus de 20000 dollars de ventes par semaine. Véritable fer de lance de la librairie en ligne, il est élu personnalité de l’année selon Time magazine en 1999 et est classé en 2014 1er parmi les P-DG les plus performants du monde par la Harvard Business Review.

En rythme et en cadence dans un entrepôt d’Amazon

On se presse et on n’a pas de temps à perdre dans un entrepôt Amazon. On motive donc les troupes chaque matin en musique dans la joie et dans la bonne humeur pour s’assurer que tous les colis sont envoyés dans les délais le plus rapidement possible. Les trajets sont à chaque fois chronométrés quand un employé va récupérer les produits qui ont été commandés. Bien qu’ils ne soient soi-disant pas sanctionnés s’ils ne respectent pas cette cadence, la réalité a prouvé pourtant le contraire.

Des journalistes d’« Enquête d’actualité » ont mené une investigation secrète grâce à une caméra cachée dans un entrepôt près d’Orléans. Et c’est plutôt un rythme infernal qui accompagne les gestes méticuleux de chacun des salariés. Le 18 mai 2015, l’Humanité divulguait la fraude d’Amazon sur les accidents de travail en publiant des extraits d’une fausse déclaration à la sécurité sociale. L’entreprise souhaitait tout simplement baisser les statistiques élevées d’accidents de travail !

Les Allemands se rebellent !

Le centre logistique de Bad Hersfeld a beaucoup fait parler de lui pendant les fêtes de Noël 2014. Ce sont plus d’une centaine de salariés allemands qui se sont mis en grève le lundi 8 décembre pour dénoncer l’augmentation des volumes de commandes, le manque de réglementation pour les pauses, la multiplication des contrats temporaires et la pression au travail. Une hausse des salaires fut également revendiquée par le syndicat allemand Ver.di. Madame Irmgard Schulz, ouvrière logistique à Bad Hersfeld raconte l’humiliation subie par les employés : « Au Japon, raconte-t-elle, Amazon vient de recruter des chèvres pour qu’elles broutent aux abords d’un entrepôt. L’entreprise les a badgées avec la même carte que celle que nous portons autour du cou. Tout y est : le nom, la photo, le code-barres. » ¹

Chez les cols blancs aussi tout n’est pas rose

Le scandale des entrepôts aurait pu s’arrêter là. Mais comme le serpent qui se mord la queue, d’autres problèmes ont surgi au sommet de la hiérarchie mettant directement en cause Jeff Bezos. Les ‘’cols blancs’’ seraient soumis à une forte pression. Comme c’est avant tout le chiffre qui compte chez Amazon, la productivité prime sur le bien être des employés.

Le New York Times a ainsi pu interviewer plus de 100 employés, en dépit de la signature d’accords de confidentialité. Les témoignages glacials des salariés laissent songeur quant à l’épanouissement personnel des employés et les pratiques managériales douteuses de l’entreprise. « C’est un super endroit où travailler si vous n’avez pas d’autres centres d’intérêt dans la vie que le travail », commente un lecteur du NYT. « Tous les gens que je connaissais étaient sous antidépresseurs, buvaient ou avaient de sérieux problèmes de sommeil. Oubliez votre vie en dehors d’Amazon »², témoigne un autre.

Le déni de Jeff Bezos

Amazon jeff bezos

Jeff Bezos nie en bloc toutes les allégations contre lui. « Je ne reconnais pas cet Amazon, et j’espère vraiment que vous non plus. Plus généralement, je ne pense pas qu’une entreprise adoptant l’approche décrite pourrait survivre, et encore moins prospérer, dans le marché hautement compétitif actuellement pour les embauches dans le secteur technologique. » ³. Bien sûr il a aussi le soutien de certains proches salariés qui estiment qu’on ne devient pas une des plus riches entreprises au monde par hasard. Certains arguent qu’en échange de bons salaires et d’avantages, il est normal qu’une entreprise attende de vous que « vous bossiez entre 60 et 80 heures ».

L’herbe est-elle plus verte ailleurs ?

De nombreux témoignages dressent un portrait peu flatteur des entreprises du Web qui font l’apologie du « Top performer ». Teintées de darwinisme social, la loi du plus fort règne en maître dans les meilleures startups du monde. Google par exemple est toujours passée pour une entreprise particulièrement séduisante auprès des jeunes ingénieurs du monde entier. Des conditions de travail fantastiques étaient proposées, dans des bureaux design où la nourriture et de nombreuses distractions sont offertes gratuitement aux employés. La description d’une prison dorée.

En réalité, le niveau des managers y est décrit par les anciens salariés comme ‘’médiocres’’ et les ingénieurs y seraient arrogants. Cela pourrait-il provenir du processus de recrutement ? En effet, après être passé à travers 4 ou 5 entretiens, il y a de grande chance que le candidat accepté se sente maître du monde. Dans cette ambiance peu amicale et très procédurière, il faut négocier dur avec le management pour avoir ce que l’on veut ou si l’on veut exister.

Adieu le facteur ? Adieu le salariat !

Travailler pour Amazon ? Vous en aviez rêvé ? C’est maintenant possible ! « Soyez votre propre chef: livrez quand vous voulez, autant que vous voulez. » est le nouveau slogan du géant de l’e-commerce. Avec le salaire alléchant de 18 à 25 dollars de l’heure (16 à 22,5 euros, ndlr), il sera désormais possible pour tout citoyen américain de se faire payer pour livrer des colis. En contrepartie, aucune couverture sociale n’est prévue. Même si Amazon se vante de fournir du travail aux chômeurs, étudiants et femmes au foyer, on peut se demander si le code du travail est à la merci du Numérique.

Dans un pays libéral comme les Etats-Unis, cette « Ubérisation » du travail semble devenir la norme. Quelle serait la réaction des citoyens et des gouvernements en Europe si ce genre de service vient concurrencer nos services publics ?

Share Button

Articles liés

  1. Denisa Badova
    Oct 15, 2015 - 10:38 PM

    On se croirait revenu aux pires heures de la révolution industrielle. Au vue des réformes qui se préparent en Allemagne, au Royaume-Uni et en France, le modèle de management Amazon risque de se généraliser.

    Reply

Laisser un commentaire

Votre adresse email ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont marqués d'un *

Copyrıght 2013 FUEL THEMES. All RIGHTS RESERVED.